2-ELIE : les corbeaux de Kérith

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«Et la parole de l’Eternel vint à lui, disant : Va-t-en  d’ici, et tourne-toi vers l’orient, et cache-toi au torrent de Kerith, qui est vers le Jourdain. Et il arrivera que tu boiras du torrent, et j’ai commandé aux corbeaux de te nourrir là. Et il s’en alla et fit selon la parole de l’Eternel : il s’en alla et habita au torrent du Kerith, qui est vers le Jourdain. Et les corbeaux lui apportaient du pain et de la chair (viande) la matin, et du pain et de la chair (viande) le soir, et il buvait du torrent. » (1R17).

orbeaux elie 

La lecture de l’histoire d’Élie se lit comme une aventure aux rebondissements extraordinaires. Mais une immersion réfléchie dans certaines de ses péripéties nous fait entrer dans des difficultés qui restent masquées à une lecture rapide.

Rappel : l’implication d’Élie dans le combat contre l’apostasie du pouvoir en place (Achab et Jézabel) va déclencher sa persécution. Il le savait en le faisant. Il s’est impliqué au point que sa vie est maintenant menacée.

Il va donc fuir, sur le conseil de Dieu (Va-t-en … et cache-toi). On pourrait se demander pourquoi l’Éternel — qui va mettre en œuvre des moyens surnaturels importants pour le préserver — ne tourne pas sa puissance contre la source du problème, pour l’éliminer ? C’est une bonne question. Plusieurs fois nous découvrirons dans la Bible que la fuite de l’instrument de Dieu est une option qui s’impose, y compris pour les plus grands : Moïse, David (devant Saül, puis devant Absalom), Paul (qui est descendu d’une muraille dans un panier[1]), et même Jésus (en Égypte pour le protéger de la haine du roi Hérode[2]). Ces exemples ne répondent pas à la question posée, mais ils la nourrissent, pour nous pousser à creuser et sonder les Écritures. C’est parfois le Saint-Esprit lui-même qui nous questionne, parce qu’il a une réponse à nous donner. Et cette réponse nécessite une recherche de notre part, pour une acquisition personnelle de cette réponse, qui alors ne sera pas une information qu’on nous donne de l’extérieur, mais l’appropriation personnelle d’une révélation.

Le prophète Élie va suivre les directives claires et précises de «la parole de l’Éternel» : Va-t-en… et va … (c’est maintenant), vers un lieu (le torrent de Kérith, sans doute un affluent du Jourdain), où il sait que Dieu va prendre soin de lui (j’ai commandé aux corbeaux de te nourrir).

Le seul problème, c’est que le corbeau est un animal impur[3]. Et ce n’est pas un petit détail pour un homme de foi, qui a veillé sans doute scrupuleusement depuis toujours à rester pur. Le corbeau est un charognard, qui traîne au milieu des cadavres de toutes sortes, il mange même les restes humains[4]. La Loi prévoyait que « Celui qui aura touché un mort, un cadavre d’homme quelconque, sera impur sept jours» (Nombres 19/11[5]).

Nous ne voyons pourtant en Élie aucune hésitation, aucune contestation, probablement — et même sûrement — parce qu’il a appris à suivre la parole de Dieu, même s’il ne la comprend pas, et même si elle ne correspond pas à la logique. Et cette attitude n’est possible que parce qu’il est cet homme qui se tient devant Dieu, un Dieu vivant : «l’Éternel, devant qui je me tiens, est vivant». Tout est là, et tout est dit ! Oui, je connais les lois de la pureté, que j’observe dès ma jeunesse et que j’ai pris soin de ne jamais transgresser. Et je connais le Dieu qui les as données : c’est parce qu’elles sont inspirées par Lui que j’y suis fidèle, et rien ne me ferait dévier. Cependant, Il est le Dieu Tout-Puissant, le souverain Maître qui tient toutes choses dans sa main. La loi de Dieu déclare impur le moyen qu’Il a choisi, mais le Dieu de la loi m’entraîne au-delà, à ne pas considérer comme impur ce que Dieu considère comme pur.

C’est exactement ce que le disciple Pierre vivra, plus tard, avec la vision de la nappe : des animaux purs et impurs, et la voix de Dieu qui lui dit : «tue et mange»[6]. Et le même cas de conscience à l’égard d’une chose que la Parole de Dieu avait proscrit, et que Dieu semble maintenant prescrire à l’un de ses instruments …

C’est également le thème de l’histoire du Serpent d’airain, instrument de Dieu érigé par Moïse, agréé comme tel durant un temps, et qui sera détruit par Ézéchias[7].

Ce que nous pouvons extraire de cette expérience d’Élie, parmi les nombreux enseignements qu’elle contient, c’est que l’attachement aveugle à une certaine parole de Dieu qui fut donnée un jour, peut devenir mortel un autre jour. Si Élie était resté fixé sur un article de la Loi naguère donnée par Dieu, il se serait laissé entraîner à contester une direction divine nouvelle, ce qui aurait enfermé l’Éternel dans une case humaine. C’est la définition de la religion, en opposition à la vie spirituelle. Et Elie n’aurait plus pu continuer de proclammer : «l’Éternel, devant qui je me tiens, est vivant» ; mais il aurait probablement dû inverser cette proposition : «l’Éternel, qui se tient devant moi, est vivant» … Et c’est moi qui fixe à la Vérité ses limites.

Bien sûr, c’est la question du légalisme qui est sous-jacente. Nous avons besoin d’une foi et d’une fidélité indéfectible à la Parole de Dieu, mais nous ne devons jamais oublier que Dieu évolue. Il ne change pas[8], mais la Vérité est en constant mouvement, comme les scribes et les pharisiens ont pu s’en rendre compte lorsqu’ils ont amené à Jésus une femme prise en flagrant délit d’adultère[9].

Le cœur de la Loi et de la Sagesse de Dieu ne peuvent pas être cristallisées. La Parole de Dieu ne doit pas être sacralisée, car c’est Dieu qu’on adore. Il y a un temps où l’essentiel peut effectivement être gravé sur des tables de pierre, mais il faudra nécessairement passer à autre temps, en entrant dans un amour qui dépasse toutes les tables et même toutes les lois. Car nous percevons «les choses qui viennent» d’abord par l’ombre qu’elles projettent (Hébreux 10/1). Puis vient la lumière.

 

«Le sentier des justes est comme la lumière resplendissante qui va croissant jusqu’à ce que le plein jour soit établi» (Proverbes 4/18)

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JeromePrekel2013®www.lesarment.com


[1] Actes 9/25 : « Mais, pendant une nuit, les disciples le prirent, et le descendirent par la muraille, dans une corbeille».

[2] Matthieu 2/14, 15 : « Joseph se leva, prit de nuit le petit enfant et sa mère, et se retira en Egypte. Il y resta jusqu’à la mort d’Hérode, afin que s’accomplît ce que le Seigneur avait annoncé par le prophète: J’ai appelé mon fils hors d’Egypte».

[3] Lévitique 11/13 à 15 : « Voici, parmi les oiseaux, ceux que vous aurez en abomination, et dont on ne mangera pas: l’aigle, l’orfraie et l’aigle de mer; le milan, l’autour et ce qui est de son espèce; le corbeau et toutes ses espèces»

[4] Jérémie 7:33 «Les cadavres de ce peuple seront la pâture des oiseaux du ciel et des bêtes de la terre; Et il n’y aura personne pour les troubler» et Proverbes 30/17 : « L’oeil qui se moque d’un père et qui méprise l’obéissance envers la mère, les corbeaux du torrent le crèveront et les petits de l’aigle le dévoreront».

[5] Voir aussi : Nombres 6/6 : « Pendant tout le temps qu’il a voué à l’Eternel, il ne s’approchera point d’une personne morte»

[6] Actes 10/13 : «Et une voix lui fut adressée, disant: Lève-toi, Pierre, tue et mange».

[7] 2 Rois 18/4 : «Il fit disparaître les hauts lieux, brisa les statues, abattit les idoles, et mit en pièces le serpent d’airain que Moïse avait fait, car les enfants d’Israël avaient jusqu’alors brûlé des parfums devant lui: on l’appelait Nehuschtan».

[8] Malachie 3/6 : «Car je suis l’Eternel, je ne change pas».

[9] Jean 8/3 : «ils dirent à Jésus: Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère».

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