Les milieux spirituels abusifs entretiennent des caractéristiques à cause desquelles il devient extrêmement difficile d’en sortir. [Quelques points parmi d’autres sont exposés ici, d’une manière édifiante et qui devrait être connus de tous].
LA PARANOÏA
La famille abusive ou l’église abusive est toujours hantée par le sentiment (qu’il soit ou non communiqué) que « les autres ne peuvent pas comprendre ce que nous vivons, alors il est préférable qu’ils ne sachent rien ; ainsi, ils ne pourront nous persécuter ou nous ridiculiser. » Cet énoncé présuppose que ce que nous disons, connaissons ou faisons est dû au fait que nous sommes plus « éclairés » que les autres, que les autres ne peuvent pas comprendre à moins de se joindre à nous, et qu’ils réagiront négativement.
Partout où l’autorité est imposée au lieu d’être simplement démontrée, « le complexe de la persécution » devient un outil pour que tout demeure caché. Pourquoi ? À cause des gens (supposément) méchants, dangereux et non spirituels, qui essaient de « nous » affaiblir ou de « nous » détruire. Cette mentalité érige un énorme mur autour du système abusif, à l’intérieur duquel les propagateurs d’abus sont protégés de tout soupçon et ne répondent à personne. Ce mur empêche aussi les gens de sortir de ce milieu, car ils deviendraient alors eux-mêmes « des gens du dehors ». Évidemment qu’il existe des gens méchants en dehors, mais il y a aussi de bonnes gens et de bonnes choses. On communique le message que le seul endroit crédible est à l’intérieur du système. Fait ironique, Jésus et Paul nous ont avertis que le pire des dangers pour le troupeau venait des loups « dans la maison » (Matthieu 10 : 16 ; Actes 20:29-30).
Il n’y a pas très longtemps, nous avons entendu parler d’un ministère dans l’Ouest des États-Unis qui jouissait, depuis ses débuts, d’une réputation assez exceptionnelle. Cependant, après un certain temps, son dirigeant commença à agir de manière très suspecte, illégale et immorale. Un journal local commença à remettre en question ses agissements et cet homme fut finalement accusé d’inconduite sexuelle. Il parvint à des arrangements hors tribunal pour que le problème se règle le plus rapidement possible, puis il prit la poudre d’escampette.
Pendant l’enquête, sa réaction fut très étrange. Chaque fois que les journaux locaux publiaient un article à son sujet et exposaient ses activités, il publiait pour sa défense une lettre de nouvelles : « Nous devons être certainement très près de ce que le Seigneur a pour nous, car Satan renouvelle ses attaques contre nous par la bouche des médias séculiers. » En réalité, nous croyons que Dieu a probablement utilisé les médias pour dévoiler la vie secrète de cet homme, parce que personne n’avait osé le faire à l’intérieur de l’église. C’est un bon exemple de paranoïa où l’on dirige l’attention vers un ennemi extérieur, afin d’éviter de répondre à des questions légitimes.
EMPRISONNER LES BLESSÉS
Non seulement cette paranoïa spiritualisée empêche les gens de quitter le milieu abusif, mais il les empêche aussi d’aller chercher l’aide dont ils ont besoin. « Veux-tu ne pas craindre l’autorité ? » questionna Paul dans Romains 13:3, « alors fais le bien ». On ne nous demande pas de cacher les problèmes.
La paranoïa spirituelle se voit aussi dans la manière dont plusieurs chrétiens réagissent envers les regroupements comme les Alcooliques Anonymes et d’autres mouvements semblables. Les A.A. constituent le groupe d’aide le plus engagé pour les gens qui ont besoin de soutien pour arrêter de consommer de l’alcool. Ce groupe n’a pas comme objectif de conduire les gens à Jésus et ne devrait donc pas être accusé de ne pas accomplir ce qu’il n’a d’ailleurs jamais promis de faire. Il aide cependant les gens à devenir sobres. Plusieurs chrétiens s’opposent à ce mouvement et refusent d’y référer les gens parce que les A.A. ne reconnaissent pas Jésus-Christ comme Sauveur et Seigneur.
Effectivement, les A.A. n’ont pas comme priorité d’aider les gens dans leur marche chrétienne (bien que s’ils cessent de boire, leur marche chrétienne va sûrement être plus heureuse). Aux A.A., on parle de Dieu sous les appellations « une force supérieure » et « un dieu tel que vous le concevez ». Mais qui d’entre nous n’a pas une relation avec « un Dieu tel que nous le concevons ? » Les A.A. permettent aux gens qui ont une image désastreuse de Dieu de recommencer à le chercher sans avoir besoin d’une théologie compliquée. Les A.A. ont probablement envoyé beaucoup plus de gens à l’église que l’église ne leur en a envoyés. N’oublions jamais que l’un de nos devoirs en tant que responsables du troupeau de Dieu est de pourvoir à une aide spirituelle pour les gens qui souffrent, même si cela implique que nous allions vers quelqu’un ayant une meilleure expertise que la nôtre dans certains domaines particuliers.
UNE LOYAUTÉ DÉVIÉE
On nous a parlé dernièrement d’un organisme chrétien qui obligeait ses jeunes ouvriers à signer une « déclaration de loyauté ». Ils doivent promettre que s’ils viennent à quitter cet organisme, ils s’engagent à n’effectuer aucun ministère auprès de la jeunesse de cette même région pendant un certain nombre d’années.
Il faut se poser la question : « Quel royaume sommes-nous en train de bâtir ? » Si nous bâtissons le royaume de Dieu, alors pourquoi serait-il nécessaire de signer une déclaration de loyauté afin de ne rien construire sur le terrain d’à côté ?
Examinons cette autre caractéristique des systèmes spirituels abusifs : on y encourage ou exige une loyauté déplacée en vertu de faux motifs. Il ne s’agit pas de la loyauté envers Christ, mais plutôt de loyauté qu’on exige envers une organisation, une église ou un dirigeant.
Une fois de plus, parce que l’autorité est imposée ou obligatoire (donc illégitime), l’allégeance des individus l’est tout autant. La façon la plus commune est de fabriquer un cadre à l’intérieur duquel la déloyauté ou le fait d’être en désaccord avec les dirigeants est placée sur un pied d’égalité avec la désobéissance envers Dieu. Remettre les dirigeants en question serait remettre Dieu en question. Après tout, ce dirigeant exerce l’autorité et l’autorité a toujours raison ! C’est ce qui amène les gens à déplacer leur loyauté vers un dirigeant, une église ou une organisation. Tout cela ajoute des pierres au mur entourant le système et fait en sorte qu’il sera encore plus difficile de s’en échapper.
« NOUS SOMMES LES SEULS À AVOIR RAISON »
Il y a trois facteurs qui entrent en jeu et qui contribuent à ce détournement de la loyauté. Premièrement, la mentalité des dirigeants dit : « Nous sommes les seuls à avoir raison », ce qui rend l’encadrement imperméable. Les membres doivent demeurer à l’intérieur du cadre s’ils veulent être « en sécurité » ou demeurer en « bons termes » avec Dieu, autrement, ils seront perçus comme rétrogrades ou égarés.
Comme contraste à ce genre de situation, j’aimerais présenter un parallèle avec la façon dont j’ai l’habitude d’agir envers les membres de notre église. Disons que quelqu’un serait venu me voir en disant : « Je ne suis pas en accord avec votre enseignement et je ne désire plus supporter cette église. » Je lui demanderais premièrement quels sont les points de désaccord (afin de bien clarifier). Si réellement nous étions en désaccord, je lui dirais simplement : »Vous devez trouver un lieu où il vous sera possible d’ouvrir votre coeur afin de recevoir ce que Dieu a pour vous. Si cette église ne peut répondre à ce besoin, vous devriez être à l’aise de trouver un autre lieu où vous vous sentirez mieux. Si cela ne fonctionne pas et que vous préférez revenir, alors revenez. Mais vous devez aller où Dieu vous dit d’aller. C’est à vous et au Saint-Esprit de prendre ensemble cette décision. » Je ne voudrais pas décrire comme déloyales ou »non spirituelles » les personnes qui font le choix de quitter notre église.
LA MANIPULATION PAR LA PEUR
Le deuxième facteur qui produit cette déviation de la loyauté est l’utilisation de tactiques de manipulation par la peur. Nous avons vu un peu à quoi cela ressemble dans la section précédente sur la paranoïa. Ces tactiques de manipulation par la peur sont toutefois plus sérieuses. C’est plus que le simple risque de se faire polluer par « le monde. »
Il y a quelque temps, un homme chrétien nous a clairement affirmé qu’il avait pris la décision de se séparer du monde et de ne plus « fraterniser » avec « les infidèles » . En discutant avec lui, nous nous sommes rendu compte que sa définition des »infidèles« ne se limitait pas seulement aux non-chrétiens. Elle incluait aussi les chrétiens des autres dénominations, certains de sa propre dénomination et d’autres de sa propre église qui ne pensaient pas comme lui. En fait, nous avons été consternés d’apprendre qu’il nous considérait aussi comme des »infidèles« puisque nous étions en désaccord avec lui.
Nous avons eu l’occasion d’aider de nombreux chrétiens qui, après avoir décidé de quitter une église, se sont fait adresser d’horribles paroles :
« Dieu va retirer son Esprit, à vous et à votre famille. »
« Dieu va détruire votre compagnie. »
« Sans notre protection, Satan va pouvoir attaquer vos enfants, »
« Vous et votre famille vont entrer sous la malédiction. »
Tout ceci se résume à du chantage religieux et de l’abus. Certaines personnes vont choisir de demeurer dans ces lieux d’abus à cause de telles tactiques.
L’HUMILIATION
La troisième méthode utilisée pour faire dévier la loyauté est l’humiliation. On humilie les gens en public en exposant leurs faiblesses et en les menaçant de les chasser hors du groupe.
Nous savons tous qu’il existe une forme acceptable de discipline dans l’église, mais dans un système abusif, c’est la peur d’être soumis à la honte, humiliés en public ou chassés qui motive votre fidélité tout en protégeant ceux qui exercent l’autorité.
On peut vous humilier parce que vous posez trop de questions, parce que vous désobéissez aux règles sous-entendues ou parce que vous êtes en désaccord avec l’autorité. On utilise les gens comme exemples publics afin de communiquer des avertissements aux autres membres du groupe.
Dans d’autres cas, on fait des campagnes par téléphone pour avertir vos amis de ne plus vous fréquenter parce que vous êtes devenus « dangereux ».
Il se produit alors l’une des choses suivantes. Dans le premier cas, les gens visés restent et se taisent. Dans le deuxième, ils se retrouvent isolés et vivent dans la sécheresse spirituelle jusqu’à ce qu’ils meurent. Dans le troisième cas, ils se lèvent finalement et disent : « Bien, je vous quitte, car ceci est de l’abus et je suis en désaccord. »
Plusieurs personnes nous ont fait part d’un curieux phénomène suite à une telle décision. Bien que plusieurs individus du milieu souhaitaient les voir partir, après leur départ, ils reçurent plusieurs appels téléphoniques et plusieurs lettres leur demandant de revenir. Cela produit une telle confusion que certains vont céder à cette pression et y retourner.
EN SECRET
Lorsque vous voyez les gens d’un groupe religieux agir en secret, faites attention ! Il n’est jamais nécessaire de cacher ce qui est correct ; on cache toujours ce qui est incorrect.
L’une des raisons pour lesquelles les familles et les églises spirituellement abusives cherchent à se cacher, c’est qu’elles attachent une extrême importance à leur image.
Les gens à l’intérieur de ces encadrements n’arrivent même pas à vivre selon leurs propres exigences. Aussi doivent-ils cacher la vérité. Certains croient qu’en faisant cela, ils protègent la réputation de Dieu. Ainsi, l’apparence extérieure et l’opinion des autres deviennent plus importantes que la réalité. Ils deviennent des « agents de relations publiques » pour Dieu. Mais, sachons-le bien, Dieu n’engage personne à ce poste.
Des conspirations peuvent se développer parmi les membres. Puisqu’il est mal perçu de soulever ou de discuter des problèmes ouvertement, les gens forment des complots en privé et au téléphone, pour essayer de trouver des solutions de manière informelle. Mais puisqu’ils ne possèdent aucune autorité, ils ont beau chercher des solutions, rien ne se règle. Pendant tout ce temps, personne ne travaille à bâtir le vrai royaume de Dieu.
Lorsque ces caractéristiques sont présentes dans une église ou dans une famille chrétienne, il en résulte de l’abus spirituel. Ce sera un milieu clos, muni de limites rigides pour que personne ne puisse s’échapper. On propagera l’idée qu’il y a beaucoup de choses mauvaises à l’extérieur, afin de garder les gens « sous protection » à l’intérieur et on utilisera les positions d’autorité pour les amener à performer.
Il y aura aussi beaucoup de gens épuisés et blessés qui auront l’impression de ne pas être spirituels ou d’être fous. Ils éprouveront aussi beaucoup de difficulté à parler à Dieu avec leur coeur. En plus de cela, ceux qui vivent dans ces cadres peuvent se retrouver totalement démunis et mal préparés pour faire face à la vie. Lorsqu’ils quitteront cet environnement, peu importe la raison, ils seront comme des feuilles mortes soufflées par le vent ou encore, ils seront attirés vers d’autres milieux abusifs.
Comment cela est-il possible ? Comment quelqu’un qui aime Dieu peut-il fuir loin de lui ? Et comment, après avoir été victime d’abus spirituel peut-on plonger dans un milieu abusif de nouveau ? Nous croyons que l’une des réponses à cela se trouve dans le fait que les systèmes abusifs font une mauvaise utilisation des Écritures. C’est un problème très sérieux, qui nécessite un examen minutieux.
Extraits du livre « Le Pouvoir Subtil de l’Abus Spirituel », de David Johnson et Jeff Van Vonderen – Editions Jaspe
2 comments On Abus spirituels chrétiens
abus spirituel……….
C’est triste, affreux mais bien réel.