Une enquête du journal « le christianisme », du mois de novembre 2006, met en lumière quelques faits relatifs à la louange de ces trente dernières années, en retraçant le succès des « J’aime l’Eternel » – près de quatorze rééditions depuis 1975. Les célèbres recueils n’ont pas toujours fait l’unanimité (la Commission Musique des Assemblées et Églises Évangéliques Suisse Romande s’était prononcée contre son introduction), mais ont contribué à transformer la louange des églises évangéliques.
« Coup de jeune, chants plus faciles à entonner et à accompagner, le fleuron des éditions Jeunesse en Mission a suscité un nouvel engouement pour la louange parmi les jeunes… Placés sous la loupe, les paroles des 837 chants publiés en trente ans traduisent une évolution vers une louange qui s’est décentrée de Dieu pour se focaliser sur l’individu, ses attentes et ses demandes. C’est le constat dressé par la psychologue Srika Pilet, qui a voulu vérifier, analyse sémantique à l’appui, ce qu’elle percevait intuitivement » (Christian Willi, l’auteur de l’article paru dans « le Christianisme »).
D’après cette psychologue, les chants trahissent de plus en plus un déplacement de la responsabilité du croyant vers une intervention divine. L’article du « Christianisme » nous rappelle que « les chants qui ne parlent que de Dieu ont disparu dès 1995, alors que l’adorateur lui-même prenait toujours plus de place dans les paroles des chants ».
L’auteur de l’article pose une question pertinente : « Qu’indiquent donc ces changements ? S’agit-il d’une nouvelle démonstration de l’influence de la Société sur l’Église ? »
Pour ce qui me concerne, je considère que le mot « société » ici employé est un euphémisme remplaçant le vieux mot « monde » autrefois utilisé, et que l’apôtre Paul emploie lorsqu’il met en garde les chrétiens : NE VOUS RENDEZ PAS CONFORMES AU MONDE.
Oui, bien évidemment, « le monde » influe sur l’Église et corrige la direction des chants de louange.
La psychologue Sakira Pilet précise encore, sous la plume de Christian Willi : « Ces chants traduisent notre manière d’entrer en relation avec Dieu : l’homme reste centré sur lui-même et sur ses besoins. Il s’agit de vivre des expériences spirituelles fortes, d’accéder à la plénitude, au bien-être, etc. Les chants reflètent parfois aussi le côté « tout, tout de suite » développé par notre société axée sur la consommation ».
Cet article du « Christianisme » donne la parole à Sylvain Freymond, qui en deux phrases parvient à exprimer la chose et son contraire, en justifiant ces changements comme une évolution imputable à la bénédiction de Toronto ( !) et au développement de la relation d’aide : « le côté positif de cette évolution, c’est qu’elle a permis à de nombreuses personnes d’être touchées et d’approfondir leur relation avec Dieu » ; un peu plus loin, SF reconnaît que « la durée, la posture de se centrer sur soi dans la louange constitue un signe d’immaturité ».
Il ressort de cette enquête très utile du « christianisme » que nous pouvons nous interroger sur « l’évolution » des chants chrétiens et de la louange, et qu’il convient de se pencher sur un phénomène pour le moins inquiétant.
Source : revue « christianisme » (l’article n’est malheureusement plus archivé sur le site alliance-presse) :
2 comments On Notre louange est-elle devenue narcissique ?
pour approfondir la réflexion, un article du site « Revenir à l’Evangile »
Sommes-nous en train de performer ou de participer ? (Tim Challies)
Par Tim Challies le Juil 22, 2022
Avec tout le respect que je dois à mes amis presbytériens réformés, je pense qu’il est difficile de soutenir que le chant dans l’église locale ne doit pas être accompagné d’instruments. Mais avec tout le respect que je dois à tous les autres, je pense qu’il est également difficile d’affirmer que le chant dans l’église locale doit être accompagné d’instruments. Il me semble que nous avons beaucoup de liberté là-dessus, la liberté de chanter d’une manière qui correspond à nos convictions et la liberté de chanter d’une manière que nous jugeons appropriée à notre environnement.
J’ai tendance à penser que la position la plus difficile à justifier à partir de la Bible est celle qui semble être en vigueur dans un grand nombre d’églises évangéliques aujourd’hui, à savoir que la musique est à son meilleur lorsqu’il y a un groupe complet de chanteurs et de musiciens qualifiés qui jouent si fort qu’ils étouffent les voix de la congrégation. Alors que les instruments étaient traditionnellement utilisés pour rehausser la beauté de la musique et aider à diriger le chant de l’assemblée, aujourd’hui, ils semblent souvent dominer. Au lieu d’utiliser un groupe musical pour compléter et accompagner l’assemblée, c’est l’assemblée qui se contente de faire de son mieux pour chanter avec le groupe musical.
Un ami a récemment fait la distinction entre deux catégories utiles : les célébrations de performance et les célébrations de participation. Une célébration de performance pourrait se dérouler joyeusement même s’il n’y avait personne d’autre que les personnes à l’avant de la salle : le(s) pasteur(s) et le groupe de louange. Une célébration de participation n’aurait aucun sens si la congrégation n’était pas présente et ne faisait pas sa part. Et si l’assemblée peut et doit participer à d’autres activités que le chant (par exemple, les prières, la sainte cène, les lectures et les réponses), elle doit participer au moins au chant. Pourtant, la réalité dans tant d’églises aujourd’hui est que le chant est bien plus performatif que participatif. En fait, moins on entend les voix des chanteurs non qualifiés dans les bancs, plus la musique est jugée bonne. Le chant, qui était le domaine d’une foule d’amateurs, semble maintenant être réservé à quelques professionnels.
Le Nouveau Testament ne dit précisément rien sur le rôle des instruments dans les cultes d’adoration. Comme la majorité des protestants, je considère que ce silence laisse place à la sagesse et à la conviction de chaque église. J’ai joyeusement chanté a capella dans certaines églises et j’ai joyeusement chanté avec un groupe musical complet dans d’autres. Mais si le Nouveau Testament est silencieux sur les instruments, il est clair sur les voix : il semble dire que le chant appartient à toute l’église et pas seulement à un groupe. Dans deux de ses épîtres, Paul affirme clairement que nous devons tous chanter lorsque nous nous réunissons pour adorer. Son invitation est la suivante : « dites-vous des psaumes, des hymnes et des cantiques spirituels; chantez et célébrez de tout votre cœur les louanges du Seigneur » (Éphésiens 5.19, S21) et « instruisez-vous et exhortez-vous les uns les autres en toute sagesse, par des psaumes, par des hymnes, par des cantiques spirituels, chantant à Dieu dans vos cœurs en vertu de la grâce » (Colossiens 3.16, S21) Aussi bons que soient les instruments, les voix sont meilleures, car elles expriment la louange et l’adoration d’une manière que même le plus habile des musiciens ne peut pas faire.
Par conséquent, il semble raisonnable de conclure que si nous devons utiliser des instruments et des chanteurs pour nous conduire, ceux-ci doivent chercher à servir les voix, et non à les dominer ou à les noyer. Et les voix ne doivent pas être seulement celles d’un ou deux chanteurs qualifiés à l’avant de la salle, mais celles de toute l’assemblée qui, ensemble, portent la responsabilité d’obéir aux commandements de Dieu. Ce sont tous les participants, et pas seulement les meilleurs chanteurs, qui doivent s’encourager mutuellement en chantant des psaumes, des hymnes et des chants spirituels. Et pour ce faire, ils doivent être entendus ! Leur voix ne doit pas être étouffée par les instruments, mais s’élever au-dessus d’eux.
Je dis donc qu’il est grand temps que les Églises mettent l’accent sur la participation plutôt que sur la performance. Si le groupe de louange a du bon temps alors que l’assemblée a du mal à suivre, si on entend le groupe musical, mais pas l’assemblée, si deux voix sont entendues alors que des centaines d’autres ne le sont pas, quelque chose ne va pas du tout. Il serait de loin préférable de chanter sans instruments plutôt que de voir l’Église rester silencieuse avec des instruments. Il serait de loin préférable de retirer tous les instruments plutôt que de faire taire toutes les voix. Servez les gens lorsqu’ils chantent – servez les gens lorsqu’ils chantent l’Évangile, chantent les uns pour les autres, et chantent pour le Seigneur – exactement comme le Seigneur le commande.
Merci à Sylvio Janelle pour la traduction de cet article. Traduit avec autorisation. © Tim Challies.
Excellent. Merci Olivier !
Je n’imagine même pas le moindre commentaire qui pourrait aller à l’encontre de cette réflexion.
Il y a malheureusement une adoration de l’adoration, et parfois une priorisation de la musique et de la technique sur les voix et sur les louanges simples, avec même une élimination du silence pour hermétiser « la louange ». Dans mon église, aussi loin que je me souviens, c’est le secteur de la louange qui a été la zone de dispute la plus sensible, avec des conducteurs et des musiciens qui sont partis avec perte et fracas (et beaucoup de dommages), parce qu’ils ne pouvaient pas diriger comme ils voulaient. Et je sais par beaucoup d’autres pasteurs que la plupart des églises souffrent de la même manière, souvent prises en otage par un secteur devenu essentiel pour le néo-christianisme : le super-groupe est la garantie d’attirer et de faire le plein. On laissera ces églises à leur logique, et je n’ai pas envie de tirer sur des ambulances.
Vers la fin des années 80, la batterie et la guitare électrique ont fait leur apparition dans les églises progressistes, et beaucoup de prophéties et de livres ont été écrits sur l’introduction des éléments propres (à l’époque) au Rock, en annonçant que le résultat serait désastreux.
Dans son livre « La Moisson », le prophète Rick Joyner annonçait de son côté un réveil mondial grâce à la musique chrétienne, qui allait monter d’un cran en qualité et inonder la société.
J’ai bien vu l’explosion de la louange, sa transformation en produit de consommation, mais je n’ai pas vu le réveil.
À mon avis, le prophète a vu effectivement longtemps à l’avance l’incroyable avancée culturelle du christianisme musical, et il en a déduit que le monde allait se convertir. Mais s’il avait bien regardé, il aurait compris que c’était plutôt une opération de stérilisation par l’émotionnalisation (néologisme). Quelque chose de charnel.