En exécution du testament de son père, Charles Studd devait hériter à vingt-cinq ans d’une somme d’argent considérable. Cependant, la lecture de l’Écriture Sainte l’avait amené à adopter, dans ce domaine, une attitude rigoureuse et grosse de conséquences. Car la Parole de Dieu avait pour lui, en tant que disciple du Christ, un caractère aussi impératif que pour ceux à qui, autrefois, elle avait été adressée. Le Christ avait dit : « Vendez ce que vous possédez et distribuez-le en aumônes » et « Ne vous amassez pas des trésors sur la terre ».

A la Pentecôte, l’église primitive avait donné l’exemple, puisqu’il est dit d’elle que « Tous ceux qui croyaient vendaient leurs propriétés et leurs biens, et en partageaient le produit entre tous selon les besoins de chacun ».
Il y avait aussi l’histoire du jeune homme riche à qui Jésus avait répondu : « Il te manque une chose, va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens et suis-moi ». Studd avait donc décidé, à la lumière de la Parole de Dieu, de donner sa fortune entière à Christ, et de ne pas laisser échapper l’occasion royale qui s’offrait à lui de faire ce que l’autre jeune homme riche avait refusé.

Quand il le fit, il n’était pas sous le coup d’une décision hâtive ; déjà, avant de quitter l’Angleterre, il avait eu à ce sujet un entretien particulier avec Hudson Taylor, et ce dernier lui avait conseillé de ne pas s’engager définitivement, tant qu’il ne serait pas entré effectivement en possession de son héritage, ce qui ne devait arriver que deux ans plus tard.
Les deux années s’étaient écoulées, et son vingt-cinquième anniversaire avait trouvé Studd seul à Tchoung-king. Sa résolution n’avait pas varié : loin d’être une affaire de sentiment ou d’émotion, ou une direction surnaturelle révisable selon les circonstances, c’était, pour lui, affaire d’obéissance pure et simple à des indications formelles et indiscutables de la Parole de Dieu.

« Un jour que je lisais les Évangiles, j’arrivai au passage où Christ parle au jeune homme riche. Aussitôt Dieu parut me rappeler toutes les promesses que j’avais faites. Quelques jours après, le courrier, qui ne venait que tous les quinze jours, m’apporta des lettres du notaire et du banquier pour me dire de combien j’héritais. Dieu me donna d’être tout simplement droit, et me dis ce que j’avais à faire. C’est alors que je compris pourquoi j’avais été envoyé à Tchoung-king.
J’avais besoin pour établir mes papiers de la signature d’un fonctionnaire de Sa Majesté. J’allai voir le consul, mais quand il comprit de quoi il s’agissait, il refusa. En fin de compte, il me donna deux semaines pour réfléchir, disant qu’après ce délai, si je n’avais pas changé d’avis il me signerai les pouvoirs demandés. Au bout de deux semaines, le les lui rapportai, il les signa, et je pus tout envoyer. Dieu a promis de rendre au centuple ce que nous lui donnons. Quel intérêt extraordinaire ! 10 000 % ! »

Autant qu’il pût en juger, l’héritage devait se monter à 29 000 livres sterling (la correspondance en valeur d’achat actuelle est de 2 215 000 £*, soit 3 178 000 €**).
Pour ne pas commettre d’erreur, il commença par distribuer 25 000 £. Un jour mémorable de l’année 1887, le 13 janvier, il envoya quatre chèques de 5 000 £ (près de 550 000 €) et cinq autre de mille (soit une valeur de 110 000 €). Aussi froidement et délibérément qu’un homme d’affaires place sa fortune, après réflexion, dans des valeurs de tout repos offrant le maximum de sécurité et le meilleur intérêt, Studd plaça tout à la banque divine. Ce n’était pas un coup de folie. C’était sa manière devant Dieu et devant les hommes de témoigner que la Parole est ce qu’il y a de plus sûr au monde. Il affirmait ainsi sa confiance à la promesse de Dieu de « rendre au centuple » dans ce siècle-ci, sans parler de la vie éternelle.

Il envoya cinq mille livres à Moody pour permettre de commencer l’évangélisation de la région de l’Inde septentrionale, où la fortune de son père avait été édifiée. Malgré son désir, Moody ne put accomplir cette tâche. « Je ferai, écrivait-il, la chose la plus immédiatement urgente après celle-là, et je fonderai une école pour la formation d’hommes et de femmes qui se répandront dans toutes les parties du monde pour évangéliser ». Et il employa l’argent à la fondation du célèbre Institut Biblique de Chicago.

Quatre mille livres furent envoyées à Georges Müller pour les missions et mille pour ses orphelins. Cinq mille livres furent envoyées à Georges Holland, à Whitechappel, afin que la somme « fût employée pour le Seigneur parmi ses pauvres de Londres ». Charles demandait que le reçu fut établi au nom de son père, en souvenir de l’aide spirituelle que G. Holland lui avait apportée. Cinq mille livres furent envoyées au commissaire Booth Tucker (gendre du fondateur de l’Armée du Salut), pour l’Armée du Salut des Indes. Ce chèque arriva le lendemain d’une nuit de prière où le commissaire demandait des renforts à Dieu. Il permit l’envoi de cinquante nouveaux officiers.
Enfin, cinq chèques de mille livres furent envoyés à Miss McPherson pour son travail à Londres, à Miss Helen Smyly, à Dublin, au Général Booth, de l’Armée du Salut, au pasteur A. Brown en faveur du quartier de l’East End de Londres, et à l’orphelinat du Dr Barnardo (1845-1905, se convertit lors du réveil de Dublin en 1862. Touché par la misère des enfants abandonnés, il se consacra à leur évangélisation, ouvrit un orphelinat. Il eut la charge de 8000 enfants à la fois, et s’est occupé de 60 000 en tout jusqu’à sa mort).

Mis au courant de l’héritage exact quelques mois plus tard, Studd donna quelques milliers de livres encore, surtout à la Mission Intérieure Chinoise. Il ne conserva que 3 400 livres pour lui-même, qu’il offrit plus tard à sa fiancée à la veille de leur mariage. Mais celle-ci ne voulant pas être en reste, répondit :
-« Charlie, qu’est-ce que le Seigneur a ordonné au jeune homme riche de faire ?
– Vends tout
– Eh bien, nous commencerons notre vie commune les mains nettes devant le Seigneur »
Ils écrivirent au Général Booth, le 3 juillet 1888, et lui remirent la somme restante, signant ainsi leur lettre : « ma femme et moi ».
Extrait de « Charles Studd, champion de Dieu », de Norman Grubb

[Plus d’un siècle nous sépare de cette histoire extraordinaire. L’acte de foi est digne d’être rappelé. Les systèmes religieux ont fait la démonstration de certaines dérives financières et immobilières, particulièrement dans les trois dernières décennies. Mais il subsiste toujours des oeuvres intègres. A la lecture de ce témoignage puissant, il convient de se souvenir que le mouvement dit de « l’évangile de la prospérité » prône également de « donner », voire de se séparer de tous ses biens, sur la base des mêmes versets des Écritures, sur lesquels s’est appuyé Charles Studd. Le problème c’est que les biens et l’argent sont souvent détournés par les prédicateurs de cet évangile, la plupart du temps à leur profit ou celui des « oeuvres » dont ils sont les responsables et les seuls administrateurs.
L’appel initial du Seigneur demeure vrai et sa promesse certaine. Mais à cause des faux ouvriers (2 Corinthiens 11/13) et des faux docteurs (2 Pierre 2/1), chacun doit veiller maintenant à ce que le don ne profite pas à des télévangélistes ou des pasteurs, ou des docteurs, ou des prophètes qui s’enrichissent personnellement, ou qui semblent servir Dieu en faisant simplement leur volonté propre.
On reconnaîtra l’arbre à son fruit, dit Jésus (Matthieu 7/16) : le serviteur n’est pas plus grand que son maître (Jean 13/16). Partout où les oeuvres « pour Dieu » sont pleines de clinquant, partout où le luxe est affiché par des vêtements coûteux, des voitures puissantes, des maisons luxueuses et même des églises richement dotées, où les « serviteurs de Dieu » bénéficient de voyages et de loisirs déplacés, le peuple de Dieu doit se défier, particulièrement des appels insistants en relation avec le don d’argent. C’est le signe qu’il faut s’en abstenir !]

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