Un parfum de révolution(s)

La révolution de jasmin a surpris l’ensemble des observateurs et acteurs politiques de ce début 2011. Le jasmin blanc est la fleur emblématique de la Tunisie : en offrir est une preuve d’amour. Ce parfum, très connu dans le monde entier, est en train de s’exporter dans plusieurs pays arabes sous sa forme la plus enivrante, et ceux qui souffrent les mêmes souffrances que la Tunisie nourrissent l’espoir un peu fou de connaître les mêmes délivrances.

Bien que la victoire de la rue Tunisienne (dont elle fut la première surprise) soit encourageante et exaltante, elle ne signifie pas encore que la vie quotidienne va vraiment changer pour tous les acteurs de ce renversement de régime, à savoir pour tous ceux qui doivent vivre avec moins de deux dollars par jour, soit près de 20% de la population [1].

La dernière révolution populaire d’une société moyen-orientale ayant conduit à un changement de régime remonte à 1979, en Iran. C’est un bon exemple de révolution confisquée, qui a suscité de grands espoirs et généré de grandes déceptions. Elle avait aboutit à la chute et à la fuite d’un autre despote [2], en quelques semaines seulement. On l’a appelée la révolution islamique (celle du monde chiite).

Aujourd’hui, face à la poussée de colère de la rue, les régimes honnis tremblent, il n’y a qu’à voir à quelle vitesse les mesures les plus drastiques sont prises : le pouvoir fait sauter des têtes, change les gouvernements, semble prêt à toutes les réformes, mais on dirait que rien ne peut arrêter les choses : l’effet domino est enclenché. Le lundi, tout le monde s’accorde pour dire que l’armée ne lâchera pas le chef suprême, et le jeudi, on ne jure plus de rien. On dresse le couvre-feu pour couvrir les flammes des immolations, mais lorsque les citoyens, jeunes pour la plupart, arrivent à ce point extrême du désespoir, tout peut vaciller et se renverser, en quelques instants [3]. Et ni les interdits, ni les menaces et ni les balles ne peuvent alors arrêter l’Histoire.

«L’âme arabe est brisée par la pauvreté, le chômage et le recul des indices de développement», reconnaît Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe [4], et c’est l’injustice qui est le dénominateur commun de tous ces drames.

Quel est le sens spirituel ?

En 1979 en Iran, les évènements ayant conduit au départ de la monarchie Palhavi ont surpris tous les observateurs et acteurs politiques. Comme dans une catastrophe aérienne, c’est un enchaînement des choses imprévisibles, d’erreurs humaines, de réactions inattendues, qui transforme la colère en révolte, et la révolte en raz de marée révolutionnaire. On pourrait penser également à une petite pierre qui se détache d’une grande statue, et qui provoque sa chute et son éclatement…

Certains comparent les évènements du Maghreb actuels à la chute du mur de Berlin, qui entraîna l’effondrement de l’Urss. C’est intéressant mais difficilement comparable.

140 millions de personnes (40% de la population des pays arabes) souffrent de la faim dans des conditions économiques déplorables. Et si un seul pays tombe de nouveau, on se demande bien ce qui pourrait empêcher cette vague de submerger les pouvoirs despotiques, balayer les politiques injustes.

Ce serait alors une ère de liberté qui s’ouvrirait, dans une sphère que l’on pensait hermétiquement fermée.

De la même manière que les sociétés christianisées ont vécu leur révolution des libertés dans les années 70, qui a modifié en profondeur leur perception du monde, leurs fondements et préparé leur monde aux conséquences actuelles, il est probablement inévitable que la société musulmane s’approche et entre, de la même manière, en son temps, dans les mêmes “évolutions”. Et dans cette perspective, il semble bien qu’internet joue un rôle majeur. La preuve : c’est en coupant les peuples d’internet — c’est-à-dire de l’ouverture au monde « libre — (comme en Corée du Nord) ou en réglementant sévèrement son accès (comme en Chine) que les pouvoirs protègent encore leurs idéologies. Mais ce n’est qu’une question de temps.

Rien ne résiste à l’appel des libertés, pas même l’héritage de la Parole de Dieu [5]. Dans le monde musulman, on a bien constaté que la révolution islamique n’a pas tenu ses promesses et a enflammé le monde sans rien conquérir.

Les lignes actuelles avaient donné à penser aux observateurs chrétiens que l’islam devait être perçu comme une menace majeure, et un candidat plus que plausible au plus mauvais rôle de la fin des temps. Mais si l’islam rejoignait, à terme, le christianisme au rang des religions noyautées par leur propre apostasie, réduisant graduellement son extrémisme et sa violence, il faudrait rechercher un nouvelle menace majeure — une nouvelle Bête — que la plupart pensaient avoir identifié.

J.Prekel/www.lesarment.com


[1] Tunisie : 10,3 millions d’habitants. 40% de la population des pays arabes, soit 140 millions de personnes, vit en dessous du seuil de pauvreté, selon un rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et de la Ligue arabe rendu public au Caire  en décembre dernier. Le pourcentage global de la population vivant avec deux dollars ou moins par jour est de 19%. Ce taux monte à 41% en tenant compte du fait que dans de nombreux pays la pauvreté existe avec des revenus supérieurs. Ces statistiques revêtent des situations très diverses, avec des taux de pauvreté de 27-30% de la population en Syrie et au Liban, de 39% en Egypte et de 58% au Yémen.

[2] Le Shah Mohamad Reza Pahlavi

[3] Apocalypse 18:10 “En une seule heure est venu ton jugement!”

[4] Déclaration du mercredi 19 janvier, lors de la session d’ouverture à Charm el Cheikh d’un sommet de la Ligue consacré au développement économique et social des pays arabes.

[5] 2 Thessalonniciens 2/3 : « Que personne ne vous séduise d’aucune manière; car il faut que l’apostasie soit arrivée auparavant, et qu’on ait vu paraître l’homme du péché, le fils de la perdition »

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