Vatican : Marie perd son titre de «co-rédemptrice» 

Dans un texte d’une vingtaine de pages rédigé sous le pontificat de François et approuvé par Léon XIV, le Vatican revient sur l’usage du titre de «co-rédemptrice» pour désigner Marie. Le document théologique le juge «inapproprié et inconvenant», rappelant notamment que, selon la foi catholique, « seul Dieu peut donner la grâce ».

Cette mise au point intervient alors que, depuis plusieurs décennies, des fidèles et des groupes de spiritualité mariale exercent des pressions pour obtenir une définition dogmatique nouvelle pour la Vierge Marie, entérinant une considération populaire, mais aussi défendue par des courants du culte marial. Le texte « Mater Populi fidelis » (Mère du peuple fidèle) a cherché à dépasser deux excès : le « maximalisme » qui divinise Marie et le « minimalisme » qui la réduit à un simple symbole, a expliqué le préfet du dicastère, le cardinal Víctor Manuel Fernández, en présentant la note le 4 novembre dernier.

Les tensions ne datent pas d’hier, puisque la notion de Marie co-rédemptrice remonte au Moyen-Âge, jusqu’au moment où ce titre a été rejetée, en 1962, par le concile Vatican II. Jean-Paul II y était favorable, tandis que Benoît XVI et François y étaient opposés.

Le texte « « Mater Populi fidelis » affirme la volonté de « préserver l’équilibre nécessaire entre l’unique médiation du Christ et la coopération de Marie à l’œuvre du salut ». L’objectif n’est pas de restreindre la dévotion mariale, mais de « l’accompagner et la soutenir », dans la fidélité à la foi catholique et avec une sensibilité œcuménique. 

D’ailleurs, d’autres titres gardent leur force : « Mère des croyants », « Mère de grâce », « Mère du Peuple fidèle » … ou encore « Nouvelle Ève ». 

Les dogmes concernant Marie sont au nombre de quatre : « Théotokos », la mère de Dieu (431, concile d’Éphèse), « virginité perpétuelle », Marie était vierge avant la naissance de Jésus, et elle l’est restée jusqu’à sa mort (649, synode de Latran), « Immaculée Conception », Marie n’est pas atteinte par le péché originel (1854, Pie IX), « dogme de l’Assomption », élevée corps et âme à la gloire céleste (1950, par Pie XII).

Le directeur de la Nouvelle revue théologique, le Jésuite Alban Massie, avertit 

« Diminuer cette dimension mariale, c’est risquer de réduire l’Église à sa structure hiérarchique, alors qu’elle vit d’abord de la communion animée par l’Esprit. Les titres controversés de « Médiatrice » et de « Co-rédemptrice » sont nés d’une piété sincère, et peuvent être compris dans un sens théologique juste, mais ils deviennent trompeurs lorsqu’il paraissent mettre Marie sur le même plan que le Christ ».

La centralité de la figure mariale et son empreinte sur la foi catholique montrent à quel point son culte est incontournable, et cette approbation surprenante de Léon XIV est probablement plus stratégique qu’on ne pense.

2 comments On Vatican : Marie perd son titre de «co-rédemptrice» 

  • La mission principale de l’Eglise est d’amener les âmes à Christ, seul intermédiaire entre Dieu et les hommes.
    Marie a été vue comme le symbole de l’Eglise en ce qu’elle s’est soumise à la volonté de Dieu, a été fécondée par l’Esprit, a produit un fruit pour le salut, a souffert en voyant son fils mourir sur la croix et a été consolée.
    Le problème est que le symbole a pris une dimension inappropriée allant jusqu’à une forme de déification du personnage bien que Marie ne soit pas une femme tout à fait comme les autres puisqu’elle a été choisie pour porter le Sauveur. Du coup, au lieu d’avoir un chemin qui passe par l’Eglise (l’ensemble des témoins) pour aller à Christ qui nous amène à Dieu le Père, on a ajouté une étape supplémentaire et préalable qui est Marie qui constitue la porte l’entrée dans l’Eglise dont Christ est le chef. C’est déjà une tradition non conforme à l’Ecriture.
    La décision du pape Léon de ne pas donner à Marie le titre de co-redemptrice s’inscrit peut être dans la perspective de l’unité des chrétiens qui sera célébrée par ce même pape à Jérusalem en 2033 (si Dieu lui prête vie jusque-là) et qui a fait l’objet d’un post précédent. En effet, trop c’est trop : les protestants n’auraient pas pu suivre les catholiques sur cette voie, cela aurait été un important obstacle à l’unité. Il y a, au delà de la question théologique, un aspect « diplomatique » dans cette décision. Si la papauté veut prendre la tête d’un mouvement unitaire, il ne faut pas heurter inutilement les autres familles du christianisme. Je dis ça, mais j’ai peut être mauvais esprit…😉

    • Merci Papysaxo pour ce commentaire éclairé ! Effectivement, quelques esprits dissidents trainent dans les couloirs de l’œcuménisme en s’ingéniant à appuyer sur le frein de la réconciliation 😉 En cause, quelques vieux dossiers qui traînent dans les placards comme par exemple le « Filioque » ou « l’infaillibilité pontificale » : vont-ils passer eux aussi à la trappe, comme le statut de co-rédemptrice de Marie ? Ce serait une révolution. Dans la foulée, on peut tout aussi bien imaginer la fin du célibat et l’ouverture à la prêtrise féminine. Ça pourrait en décoiffer certains.

      Petit rappel : L′infaillibilité pontificale est un dogme proclamé en 1870 par le concile Vatican I, selon lequel le pape jouit de l’infaillibilité lorsqu’il s’exprime ex cathedra, c’est-à-dire en vertu de son autorité suprême de chef de l’Église catholique, pour définir qu’une doctrine en matière de foi ou de morale doit être tenue pour vraie. L’infaillibilité pontificale ne signifie pas que le pape soit exempt d’erreur quand il s’exprime en tant que personne privée. Elle n’implique pas non plus que la personne du pape soit exempte de péché ou de fautes morales. L’infaillibilité induit le concept de l’irréformabilité comme par exemple dans le cas de la déclaration de l’Assomption de Marie par Pie XII en 1950.

      Le Filioque est un différend théologique qui oppose l’Occident et l’Orient chrétiens (orthodoxes et catholiques) dans leur conception de la Trinité, selon laquelle «le Saint-Esprit est éternellement du Père et du Fils et tire son essence et son être du Père et en même temps du Fils, et procède éternellement de l’un et de l’autre, comme d’un seul principe et d’une inspiration unique ». En d’autres termes, le Saint-Esprit ne vient pas seulement du Père, mais aussi du Fils.
      Cette doctrine est considérée comme un dogme dans l’Église catholique. En revanche, pour le christianisme orthodoxe, le Filioque est un blasphème. (sources Universalis, Alateia, LaCroix, Wikipedia)

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