par Richard Wurmbrand, extraits de «mes prisons avec Dieu»/n°34
« …Je passai deux années, isolé dans une cellule. Je n’avais rien à lire, rien pour écrire. J’avais mes pensées pour seules compagnies. Or j’étais un homme d’action plus qu’un contemplatif.
Avais-je vraiment vécu pour servir Dieu, ou simplement exercé ma profession [de pasteur]? Les gens s’attendent à ce que les pasteurs soient des modèles de sagesse, de pureté, de sincérité; ils ne peuvent pas toujours l’être véritablement, parce que ce sont aussi des hommes; ils commencent donc dans une plus ou moins grande mesure par jouer le jeu, puis au fur et à mesure que le temps passe, ils sont incapables de dire quelle part de comédie il y a dans leur comportement.
Je me souvenais du profond commentaire qu’écrivit Savonarole sur le Psaume 51 alors qu’il était en prison et tellement roué de coups qu’il ne put signer ses propres «aveux» que de la main gauche. Il disait qu’il y a deux sortes de chrétiens : ceux qui croient sincèrement en Dieu et ceux qui, tout aussi sincèrement, croient qu’ils croient. On peut les reconnaître à leur comportement dans les moments décisifs. Si un voleur qui avait projeté de cambrioler une riche demeure aperçoit dans les parages un inconnu qui pourrait être un policier, il se cache. Si, réflexion faite, il pénètre quand même dans la maison, cela prouve qu’il ne croit pas que l’homme est un représentant de la loi. Nos actes témoignent de nos convictions.
Croyais-je en Dieu ? L’heure de vérité avait sonné. J’étais seul. Il n’y avait pas de salaire à gagner, pas d’avis précieux à prendre en considération. Dieu ne m’offrait que la souffrance : allais-je continuer à l’aimer ?
… j’appris peu à peu que sur l’arbre du silence pousse le fruit de la paix. Je commençais à prendre conscience de ma vraie personnalité, et à être sûr qu’elle appartenait au Christ. Je découvris que même dans cette cellule mes pensées et mes sentiments se tournaient vers Dieu et que je pouvais passer nuit après nuit en prières, exercices spirituels et louanges. Je savais à présent que je ne jouais pas la comédie et que je croyais à ce que je croyais.
Je mis au point une routine à laquelle je me tins durant les deux années suivantes. je restais éveillé toute la nuit. Lorsqu’à dix heures la sonnerie donnait le signal du sommeil, je me mettais à l’oeuvre. Quelquefois j’étais triste, quelquefois joyeux, mais les nuits n’étaient jamais assez longues pour tout ce que j’avais à faire.
Je commençais par une prière d’où les larmes, des larmes de reconnaissance souvent, étaient rarement absentes. Les prières, comme les signaux radio, s’entendent mieux la nuit; c’est alors que se livrent les plus grandes batailles spirituelles. Ensuite, je prononçais un sermon comme je l’aurais fait à l’église, débutant par «frères bien-aimés», dans un chuchotement que nul garde ne pouvait entendre et terminais par «amen». Je prêchais avec la plus grande sincérité. Je n’avais pas besoin de me préoccuper de ce que penserait l’évèque, de ce que dirait la congrégation, de ce que les mouchards répéteraient. Je ne prêchais pas dans le vide. Chaque sermon est entendu par Dieu, ses anges et ses saints; mais je sentais qu’il y avait aussi parmi mes auditeurs invisibles ceux qui m’avaient amené à la foi, mes ouailles vivantes ou mortes, ma famille et mes amis. Ils étaient «cette nuée de témoins» dont parle la Bible. Je faisais l’expérience de la «communion des saints» du crédo.
Après 14 années d’emprisonnement, de sévices et de tortures dans les prisons communistes de Roumanie, Richard Wurmbrand, retrouvant finalement la liberté, dit qu’il eut l’impression en quittant ce monde carcéral où il fit de puissantes expériences spirituelles au milieu de ses souffrances, que c’était comme redescendre de la montagne de Dieu.
Il explique plus loin, dans son ouvrage «mes prisons avec Dieu» (p. 41) : «…Tous les chrétiens ne sont pas des disciples du Christ, dans le vrai sens du terme. L’homme qui entre chez le coiffeur pour se faire raser ou qui commande un costume chez le tailleur n’est pas un disciple, mais un client. De même celui qui va au Sauveur seulement pour être sauvé est le client du Sauveur, non son disciple. Le disciple est celui qui dit au Christ : «Comme j’aimerais faire le même travail que toi ! Aller d’un endroit à un autre pour en chasser la peur et lui substituer la joie, la vérité, la consolation et la vie éternelle !»
… Des millions d’êtres humains invoquent le Père chaque jour. Mais puisque nous sommes les enfants de Dieu, et puisque les enfants partagent les responsabilités de leur père, alors ces prières s’adressent aussi à nous. Le Père que tous prient n’est-il pas dans mon coeur ?
Ainsi lorsque je dis «Que ton nom soit béni», j’ai moi-même à bénir le nom de Dieu. «Que ton règne vienne», je dois lutter pour abattre les puissances du mal qui régissent une grande partie du monde. «Que ta volonté soit faite», et la volonté des bons, non celle des méchants. «Pardonne-nous nos péchés», il faut aussi que je pardonne; «Délivre-nous du mal», je dois donc faire tout ce que je peux pour libérer l’homme du péché».
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