«Il se leva pour s’enfuir à Tarsis … loin de la face de l’Eternel»
Pour Jonas, le fait d’emprunter un autre chemin que celui de la volonté de Dieu correspondit à «S’en aller loin de la face de l’Eternel». Ce n’est pas que la présence de Dieu se trouvait en un quelconque endroit géographique de la terre mais plutôt que lorsque le prophète entra en désaccord avec la volonté de l’Eternel pour sa vie, il s’écarta instantanément de Lui, aussi sûrement qu’on s’éloigne physiquement d’une personne.
«Il se leva pour s’enfuir à Tarsis» (1/3). Jonas s’est écarté dans les chemins du monde, il a laissé derrière lui la voie difficile de la volonté de Dieu en choisissant Tarsis comme destination, comptoir phénicien de méditerrannée, carrefour d’échanges commerciaux et culturels, lieu de vie et d’opportunités. C’était le bon endroit pour oublier son appel, pour entasser par-dessus des occupations absorbantes.
Il avait jugé sa tâche spirituelle ingrate et probablement génératrice de difficultés, de rejets qui l’effrayaient. Mais il n’eut pas le temps d’atteindre son but, et fut confronté au rejet qu’il fuyait au beau milieu de son voyage : «Ils prirent Jonas et le jetèrent à la mer …» (1/15). Si seulement le monde l’avait rejeté à cause de la Vérité ! Mais il l’a rejeté parce qu’il fuyait Dieu.
Le chemin «loin de la face de l’Eternel» n’est pas le bon chemin. Notez que les autres chemins, y compris le pire, sont praticables. Dieu ne les ferme pas. Car il faut que «le coeur qui s’éloigne de Dieu soit rassasié de ses propres voies» (Proverbes 14/14). Il faut que la folie du fils prodigue puisse s’exprimer complètement, ses choix montrer leurs vrais fruits, et son indépendance révéler son vrai visage.
Il faut que les anges eux-mêmes soient libres de Le servir.
Jonas avait le choix, et il a choisi sa voie, qui l’a conduit jusque dans le séjour des morts (2/3).
Dieu ne ferme pas les portes du chemin large, mais Il invite avec patience et respect à Le rejoindre «hors du camp, en acceptant de porter son opprobre» (Hébreux 13/13).
A quoi sommes-nous personnellement appelés ? Y a-t-il pour nous un «lieu» où se trouve «la face de l’Eternel ?». D’une manière large, nous avons entendu la Parole de Christ qui dit que ceux qui croient en Lui sont «la lumière du monde» (Matthieu 5/14). Alors nous sommes appelés à exprimer la lumière de la Vie là où nous nous trouvons et à exhaler «la bonne odeur de Christ» (2 Cor. 2/15), à prendre la place de véritables enfants de Dieu (Jean 1) par une succession de choix délibérés, car nous sommes «appelés à annoncer les vertus de Celui qui vous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière (1 Pierre 2/9)».
C’est grâce à ce que Dieu a fait pour nous, et à Sa volonté de nous y faire marcher, (et grâce à Sa force) que nous pouvons entrer dans la gloire de cet appel, et le vivre.
Il y a, pour nous tous aujourd’hui, un endroit où se trouve «la face de l’Eternel». Peut-être sommes-nous dans les interrogations, ne sachant où Il nous veut exactement, ni ce que nous devons faire, ni ce que sera notre tâche … tout ce que nous avons à faire est de Lui apporter notre confiance dans son grand amour et nous abandonner entre ses mains, ce qui sera pour nous un culte agréable. C’est cela aussi «offrir nos corps en sacrifice vivant» (Rom. 12).
En proposant dans notre vie l’instauration de Sa souveraineté, Dieu n’a pas l’intention de nous asservir, de nous réduire, mais de nous libérer et de nous affranchir. Nos coeurs partagés ne signifieraient rien d’autre que ceci : nous n’avons qu’une confiance limitée dans la capacité divine à assurer notre bonheur, ici-bas. C’est ainsi que nous fuyons souvent sans nous en rendre compte notre place spirituelle, là où est «la face de l’Eternel», car nous comptons trop sur nous-mêmes, ou parce que nous sommes effrayés par les exigences du chemin de la sainteté.
Mais la grâce de Dieu qui tint bon dans la vie du bouillant et désobéissant Jonas, et qui ne céda pas la vie de cet indiscipliné instrument au séjour des morts, ne nous abandonnera pas non plus !
Il a promis de fournir Sa force, Sa puissance de résurrection, à tous ceux qui croient vraiment en Lui, dans Son amour inaltérable, et Sa vie comme un flot ininterrompu qu’Il veut faire jaillir dans notre esprit afin d’arroser et irriguer en nous et autour de nous. Telle est la promesse de Dieu et Son plan pour ceux qu’Il aime. Il ne peut se satisfaire de nous voir nous contenter de moins que cela. Des obstacles se dressent encore devant nous, dont le plus résistant est sans doute notre vie propre, mais le Seigneur veut que tous soient surmontés. Il a donné Sa vie pour cela aussi. Il a pour nous un grand désir de bénédiction, une grande ambition éternelle : créer le même rapport, la même entente et la même union qui furent manifestées en Christ, le premier-né de plusieurs frères.
C’est un grand dessein après lequel la création toute entière soupire (Rom. 8/19). Notre affranchissement total est un grand enjeu spirituel, c’est pourquoi nous rencontrons beaucoup d’oppositions sur un chemin «difficile et étroit» : unissons donc notre désir à la volonté de Dieu pour faire alliance avec Lui, comme lui-même a fait alliance avec nous, et nous lever pour Lui.
Jérôme Prékel/Le Sarment n°36