Les psychologues disent que le suicide est la dernière façon de se faire aimer. Il est la traduction d’un désespoir profond et d’une somme d’incompréhensions devenues insupportables.
Le suicide sera toujours un choc, une commotion pour ceux qui restent parce que c’est seulement devant la mort qu’ils prennent conscience de la gravité du problème et de la profondeur de la crise. Le mot «fini» peut être écrit ainsi par notre propre main, mais seulement sur notre vie, pas sur nos problèmes. Quand on se tue, c’est pour infliger sa mort aux autres (Françoise Sagan). Le suicide n’a d’avantage que s’il ennuye les autres. Pour le reste, il est vide de sens commun.
Nul ne sait ce qui se passe dans le secret des coeurs qui souffrent, et nous sommes la plupart du temps beaucoup trop légers face à la souffrance des autres, de nos proches ou même de nos enfants. Nos propres problématiques, engendrées par nos choix de vie, nous isolent malgré nous. Nous nions alors les signaux de désespoir, que nous interprétons comme des manoeuvres, des manipulations ou des chantages affectifs. Il y a malheureusement trop de victimes sur ce chemin.
Et plus les suicidaires sont engagés dans des responsabilités (de famille, sociales, y compris celle qui consiste à «avoir et conserver la foi») et plus le suicide sera masqué jusqu’au dernier instant. On nous donnera même le change. Dans le pire des cas, nous n’aurons même aucune trace d’explication, parfois même aucune raison … Il importe peu d’être compris lorsqu’il est trop tard.
L’acte lui-même constitue une sorte de répréhension muette à l’égard de l’entourage, du monde, de la société, et de Dieu Lui-Même.
Le suicide est une autre preuve, l’ultime peut-être, la plus évidente et la plus incontestable, de la liberté des hommes. Le suicide est la démonstration que le Créateur a laissé à la créature le choix de se déterminer : «j’ai mis devant toi la vie et la mort : choisis la vie» (Deutéronome 30/19). Le pouvoir nous est donné «de devenir enfants de Dieu» (évangile de Jean), de choisir la vie, et lorsque nous nous retrouvons à cheminer avec la mort, ses pensées, ses raisonnements et ses mensonges, c’est que nous avons fait fausse route.
Si nous sommes tombés dans l’incrédulité (dans l’ignorance ou la négation) quant à la réalité de Son amour, alors nous sommes tombés entre les mains d’un ennemi invisible qui saura, tôt ou tard, tirer parti de la situation. Considérer par exemple que le désespoir est la condition normale de la vie, c’est déjà entretenir en soi l’idée du suicide.
Nous pouvons réellement être détruits si nous abandonnons le terrain de la foi en Dieu. Et la déception de la vie et l’amertume des sentiments sont parfois si grandes et si envahissantes, si prégnantes, que la foi peut apparaître comme une consolation impuissante.
Le Psaume 83 dit clairement que les ennemis de Dieu sont les ennemis de ceux qui aiment Dieu et que leur détermination est grande :
«voici, tes ennemis s’agitent, ceux qui te haïssent lèvent la tête. Ils forment contre ton peuple des projets pleins de ruse, et ils délibèrent contre ceux que tu protèges. Venez, disent-ils, exterminons-les du milieu des nations, et qu’on ne se souvienne plus du nom d’Israël! Ils se concertent tous d’un même coeur, ils font une alliance contre toi». L’épître à Timothée explique que «ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ seront persécutés».
La tentation du suicide est une fuite, et le combat consistera à résister, afin de retrouver l’espoir qui est en Dieu. Car le suicide n’est qu’une sortie de secours (André Birabedau), pas plus.
Il est intéressant de noter que la Bible ne dit rien explicitement au sujet du suicide. A ma connaissance, deux cas sont explicitement rapportés, mais ne sont accompagnés d’aucun commentaire direct (Akitophel conseiller de David, et Judas).
En revanche, nous percevons au travers de déclarations d’acteurs des Écritures que nul n’est à l’abri de la tentation d’échapper à ses épreuves par une mort non naturelle, comme le déclare Job par exemple : 7:12 «Quand je me dis: mon lit me consolera, ma couche allégera ma détresse, alors tu m’effrayes par des songes, tu me terrifies par des visions, Ah ! je voudrais être étranglé (je voudrais me pendre) – je voudrais la mort plutôt que ces os (plutôt que cette vie dans laquelle tu me plonges): J’en suis dégoûté; je ne vivrai pas à toujours. Laisse-moi, car mes jours sont vanité.
10:1 Mon âme est dégoûtée de ma vie; je laisserai libre cours à ma plainte, je parlerai dans l’amertume de mon âme»
L’apôtre Paul dit à la fin de sa vie «j’ai combattu le bon combat, j’ai gardé la foi». Nous ne pouvons pas connaître de victoire sans passer par des luttes et des combats. C’est celui qui persévèrera jusqu’à la fin qui sera sauvé.
En déclarant que «garder la foi» fut le véritable point d’orgue de sa vie, l’apôtre Paul montre qu’aucun de ses mots n’est léger. Chacun d’eux est passé au creuset de l’affliction, de la déception (des autres mais aussi déception de soi-même), dans l’amertume de se sentir rejeté, condamné, frappé, abandonné, isolé, n’ayant pour seule consolation qu’une Parole qui, sous l’influence de l’épreuve, n’a plus ni couleur, ni attrait pour notre âme.
Mais ces heures-là sont destinées à fixer notre espérance ailleurs qu’en nous-mêmes, ou dans le monde qui nous entoure. Traverser ces heures sombres où notre confiance dans l’homme et dans notre propre coeur cède la place à une confiance nouvelle en Celui que nous ne voyons pas. Ce mécanisme qui s’apparente à une abdication secrète et profonde ne peut s’opérer sans que la déception nous atteigne et développe en nous une fatigue intérieure pour l’homme et ses ressources, et nous écrier avec Ésaïe : «l’homme ! quel cas doit-on vraiment faire de lui ?».
Le suicide, ce n’est pas vouloir mourir, mais c’est vouloir disparaître (Georges Perros). C’est de vouloir se soustraire à l’insupportable, d’entrer dans le soulagement d’une pression lancinante, harcelante : une persécution. L’idée du suicide finit par avoir raison de nous, si nous avons écarté le Créateur de la création que nous sommes. Car nous sommes une création complexe et magnifique, en dépit de ce que nous sommes encore, et malgré ce que nous ne sommes pas encore.
Dieu est vivant, et Il ne maudit personne. Sa main tendue est près de tous ceux qui sont désespérés, et nous pouvons toujours, quel que soit notre état, quelles que soient nos circonstances et quelle que soit notre péché, notre culpabilité, nous pouvons toujours être reçus par Lui, l’espace d’un instant, pour être renouvellés.
JPrekel©le Sarment2003