Extrait d’un message audio retranscrit par le SARMENT (www.lesarment.com) du pasteur Luthérien Richard Wurmbrand, donné en Suisse en 1981. L’article est scindé en trois parties : « LE DIEU NINA », « LA CHOSE RÉELLE », et « IL A TENU SA PROMESSE ».
Lorsque nous étions en prison, nous avons subi divers traitements ; moi j’ai été tenu au secret pendant trois ans dans une cellule souterraine, avec d’autres comme moi, des centaines de personnes. Nous n’avons pas vu ni le soleil, ni la lune, les étoiles, ni un arbre, une fleur … pendant ce long temps et j’avais oublié que ces choses existaient.
Durant quatorze ans, nous n’avons jamais vu une Bible, ni un autre livre, un morceau de papier ou un crayon pour écrire. Nous avions très peu à manger. Pendant quatorze ans nous n’avons jamais vu un seul enfant. Jamais une jeune fille ou une dame. Dans cette cellule à 10 mètres sous terre, je n’ai jamais vu une couleur, sinon le gris des murs, et le gris de nos uniformes de prisonniers. J’avais oublié là-bas qu’il existe le bleu, le vert, le rouge, le jaune et le violet : notre monde était gris.
Et pendant ce premier temps de prison, nous avons été fortement drogués. On mettait des drogues dans notre café, dans notre soupe. Nous sentions bien que nos aliments étaient drogués, mais nous n’avions pas d’autres choix que de les consommer, parce que c’était la seule chose qu’on nous donnait à manger. Et à cause des coups et des tortures (je ne veux pas vous abasourdir avec la liste et la description des tortures parce que vous ne pourriez sans doute plus manger vous-mêmes, tellement vous seriez si profondément dégoûtés à l’écoute du détail de ces tortures par lesquelles les frères sont passés là-bas), à cause de la faim, et spécialement à cause des drogues, notre cerveau ne fonctionnait plus normalement. J’ai oublié presque tout ce que je savais. Je suis un pasteur Luthérien, et j’avais oublié toute ma théologie.
Un soir je me suis rappelé que j’étais un pasteur Luthérien, mais je ne pouvais plus me souvenir de la signification de ce mot « Luthérien ». Qui était Luther ? Je ne savais plus. Et j’ai été joyeux ce soir-là, car j’avais fait une grande découverte, en me disant qu’on pouvait être chrétien sans savoir qui a été Luther !
Mais les choses sont allées plus loin que cela, nous avons oublié la Bible aussi. Je l’ai oubliée complètement. Un soir, j’ai essayé de dire le « Notre Père » car je n’étais plus capable de composer une prière personnelle ; alors j’ai essayé de dire « Notre Père … qui êtes aux cieux … sanctifié …. soit votre nom … que … que … et je ne me souvenais plus de ce qui venait après cela. Pendant un moment, j’ai été tellement triste, et je me suis dit « le Fils de Dieu est venu du ciel sur la terre pour nous enseigner cette prière, et moi qui suis un chrétien et un pasteur, je ne sais même plus le « Notre Père »…
Puis après un moment, la tranquillité est revenue, quand j’ai pensé que j’avais oublié la prière, c’est vrai, mais je savais encore quelle prière j’avais oublié ! J’avais oublié les termes de cette prière, mais je me souvenais qu’elle commence avec l’affirmation que Celui qui conduit au Ciel … est mon Père !
Alors cela me suffisait. S’Il est mon Père, et qu’Il préside aux destinées de l’univers, qu’est-ce que ça peut bien faire que je ne connaisse plus les mots ? Alors j’ai rapproché mes mains l’une de l’autre, et j’ai dit « Notre Père qui êtes au cieux, moi j’ai oublié la prière, mais vous, vous la connaissez parfaitement, considérez que j’ai dit cette prière, et moi je resterai tranquille, parce que vous connaissez nos besoins ».
Et longtemps, notre prière a été seulement celle-ci : « Jésus je vous aime », et encore une fois, après un silence « Jésus je vous aime », puis après un temps encore « Jésus je vous aime ».
Mais les effets des drogues, de la faim, des coups et des tortures ont fini par rendre difficile même cette simple prière, ces quatre petits mots « Jésus je vous aime ». Le cerveau ne travaillait plus. Alors il ne nous est plus resté que la seule et ultime prière que nous avions et qui nous était personnelle en ce temps-là, le tranquille battement du coeur dans notre poitrine, que Jésus entendait ; nous nous disions qu’Il l’entendait et Il savait que chaque battement du coeur était pour Lui. Il venait d’un coeur qui L’aime. Et je considère encore aujourd’hui que c’était là une forme de prière incompréhensible, muette, une forme de prière agréable, en laissant Jésus interpréter les battements d’un coeur qui L’aime.
Puis quand cette période où nous étions soumis à l’absorbtion de toutes sortes de drogues est passée, je me suis rappelé de certaines choses qui se sont produites à cette époque. Je me suis souvenu du jour où il ne restait plus dans mon esprit qu’un seul verset de la Bible, et que j’avais échangé avec le Seigneur à ce sujet précis. Je lui avais dit, ce jour-là, juste avant d’entrer dans cette nuit complète que j’ai connue pendant cette période terrible, j’avais dit à Jésus : « Vous avez promis que le fils de l’homme reviendrait « au jour que vous ne connaissez pas », et « à l’heure que vous ne pensez pas » ; eh bien pour moi, c’est aujourd’hui « le jour que je ne connais pas », et c’est maintenant « l’heure où je ne peux plus penser » … alors maintenant, vous devez tenir la promesse … de revenir».
Et Le Seigneur a tenu sa promesse, et à ce moment-là, ce jour-là, Il est revenu, et Il s’est approché de moi. Toutes les choses se sont transformées, et les murs gris de la cellule ont brillé comme l’éclat d’un diamant, il y avait comme des flammes dans la cellule, et dans le coeur il y avait une telle joie et une telle jubilation que si cette expérience avait duré plus longtemps, le coeur aurait été déchiré tellement grande était la joie, tellement intense l’allégresse de la présence de Jésus.