Beaucoup confondent l’amour de la vérité avec la traque de l’erreur et la condamnation du mensonge.
Adopter une posture qui sanctionne tout ce qui est faux ou approximatif est à la portée de tout le monde. Il suffit de connaître la Bible, d’absorber le fruit de la connaissance du bien et du mal, et n’importe qui peut s’asseoir au siège du jugement. C’est presque une question de mécanique. Wesley disait que le diable connaît parfaitement la vérité, mais qu’il ne l’aime pas. Il peut invoquer tous les versets imaginables mais lui-même s’en tient éloigné. Notre christianisme doit impérativement dépasser cette dimension.
L’amour de la Vérité est un fardeau. On entend dire parfois que la Vérité est une personne, et que cette personne est Christ : celui qui aime la vérité ne serait donc pas celui qui maîtrise un concept, mais qui s’inscrit dans une relation personnelle et vivante, dans laquelle on ne permet pas à ses propres pensées d’aller au-delà de ce qui est écrit. On ne devrait pas se battre pour la vérité, mais pour Christ. C’est la ligne directrice qui parcourt l’ensemble du livre des Actes des apôtres.
Certains chrétiens manient la vérité comme une faux. La Vérité ne se manie pas, elle n’est pas un instrument à notre service, mais c’est nous qui sommes l’instrument de Christ. Et pour devenir un instrument fidèle, il nous faudra venir à une soumission librement consentie — souvent par le chemin du brisement de la volonté propre — afin que la chair ne vienne pas empiéter dans le service, et ne se crée son propre ministère de la justice.
C’est Christ que nous sommes appelés à manifester, pas la vérité. C’est Christ que nous avons vocation d’incarner en premier, pas la Justice ou la puissance, comme les ouvriers d’iniquité en découvriront l’amère dimension[1]. Connaître la vérité est une chose, mais la Bible démontre que connaître Christ est un appel plus élevé. Parce que connaître Christ, c’est non seulement être en contact avec la Vérité, mais également avec la Grâce, et la Justice. La vraie Justice.
Nous voyons dans les lettres aux églises de l’Apocalypse que l’aboutissement des choses, c’est d’être un vainqueur … mais de quoi ? C’est Christ qui a tout surmonté et tout vaincu. Peut-être l’appel à être vainqueur est-il cet état où nous déployons notre zèle et notre énergie pour nous approprier Christ, de saisir Christ, de demeurer en Christ, dans sa vie, toute la dimension de la vérité, pour vivre toutes choses avec, par Lui et pour Lui. C’est le contraire de la religion, qui consiste à amener, à faire descendre Dieu dans l’humain, pour élever ce dernier à la hauteur du divin : c’est le péché de la divinisation de la créature, qu’on retrouve dans la chute de satan[2]. Telle est la finalité que le Saint-Esprit ne permettra pas : Il ne donnera pas sa gloire à un autre que Christ. C’est lui qui est l’oméga, et non ma personne, fut-elle remplie de l’Esprit. Le temple n’est pas plus grand que Celui à qui il est dédié.
Le véritable amour de la Vérité consiste à aimer que cette vérité développe ses effets en nous-mêmes. Afin que la vérité s’installe – s’inscrive – dans l’homme intérieur[3]. Parfois la vérité a des exigences auxquelles nous savons ne pouvoir satisfaire : elle va trop loin, descend trop profond, projette une lumière trop pure. C’est que nous sommes entrés dans la dimension divine de l’œuvre de sanctification, à un niveau où nous ne pouvons rien accomplir, sinon de dire « Viens, Seigneur Jésus », prends cette place que je t’abandonne, que ton règne vienne dans toute ma vie, sois souverain sur toutes choses, le Seigneur de ma liberté.
Il est nécessaire d’entrer dans ces réalités douloureuses, coûteuses, et que la lumière soit partout chez elle en nous.
Personne en effet ne pourra combattre le mensonge (des autres) s’il n’est pas au clair sur le sien, sa propre capacité de se mentir à soi-même, sa propre corruption. Personne ne peut dénoncer les illusions des autres si les siennes ne lui sont pas apparues dans toute leur vanité. Personne ne peut véritablement contester contre le péché des autres s’il n’est passé par le brisement à cause du sien propre. C’est sans doute la raison pour laquelle on trouve beaucoup d’enseignants, mais peu de la présence de la puissance de l’Esprit de Vérité, Celui qui était avec Jean et qui amenait les foules à la repentance.
Qui connaît la véritable nature du cœur humain, et sa déchéance absolue et définitive ? Son besoin de Christ (et donc de salut) à chaque instant ? Qui connaît la corruption de la chair, l’irrecevabilité des œuvres mortes ? Qui, enfin, est entré dans la révélation que sa propre personne ne vaut pas mieux qu’une autre, n’est élevée au-dessus de quiconque ?
C’est celui-là qui sera qualifié par le Saint-Esprit pour entrer dans le combat pour l’amour de la Vérité.
Jérôme Prekel©Le Sarment2011
[1] Matthieu 7/22 : « Plusieurs me diront en ce jour-là: Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé en ton nom, et n’avons-nous pas chassé des démons en ton nom, et n’avons-nous pas fait beaucoup de miracles en ton nom ? Et alors je leur déclarerai: Je ne vous ai jamais connus; retirez-vous de moi, vous qui pratiquez l’iniquité »
[2] Esaïe 14/13 : « Tu disais en ton coeur: Je monterai au ciel, J’élèverai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu; Je m’assiérai sur la montagne de l’assemblée, A l’extrémité du septentrion »
[3] Psaume 51/6 : « Voici, tu veux la vérité dans l’homme intérieur, et tu me feras comprendre la sagesse dans le secret de mon cœur ».