Comme nous pouvons le lire dans le chapitre 6 des Romains, comme dans Colossiens 2 et plusieurs autres encore : c’est sur la chair et l’homme naturel que la Croix exerce ses effets.
La position à laquelle nous amène la croix est la suivante :
Ce n’est pas seulement la question de nos péchés qui a été résolue, c’est celle de notre personne. C’est de nous-mêmes qu’il s’agit maintenant. Avec Christ, nous avons, nous, été crucifiés.
Cette vérité est sujette à toutes sortes de contradictions. Parce que dans ce domaine-là, la théorie est souvent démentie par les faits. N’est-ce pas une expérience commune à beaucoup d’entre nous que cette succession constante de chutes et de rechutes, alternant avec des mouvements de repentir sincère, qui aboutissent chaque fois au pardon et à la purification, sans qu’on parvienne jamais à laisser une bonne fois derrière soi cette vie de hauts et de bas ? Un jour tout va bien, le lendemain tout va mal. Aujourd’hui la victoire, demain la défaite, et ainsi passent les jours et les semaines, les mois et les années, et la vie n’est qu’une suite monotone de manquements et de regrets, de péchés et de repentirs, d’égarements et d’humiliations, jusqu’à ce qu’enfin une expérience plus aiguë que les autres vous arrache des paroles désabusées comme celles-ci : « La vie chrétienne ? C’est usant et laborieux! C’est passer son temps à revenir à Dieu pour demander pardon, pour retomber le lendemain et se repentir à nouveau ; la victoire y joue un rôle … bien effacé ! »
Et pourtant, tel n’est pas le programme que Dieu a pour nous. La raison secrète de cet état de choses, est que nous n’avons jamais ouvert les yeux à cette vérité capitale qu’est notre mise de côté, par la Croix du Seigneur Jésus. Car c’est nous-mêmes, tels que nous sommes par nature, qui sommes l’obstacle principal de notre propre victoire.
Nous ne l’avons jamais compris, et par conséquent jamais accepté. Nous n’avons donc jamais pu réaliser tout ce que cela signifie, toutes les conséquences que comportent un évènement de cette envergure. Nous n’avons pas saisi que c’est SEULEMENT à partir de cette vision, de cette révélation, de cette compréhension, que découle le «ce n’est plus moi» tant désiré.
« J’ai été crucifié avec Christ, dit l’apôtre. Cependant, je vis ! Mais ce n’est pas moi, c’est Christ qui vit en moi » (Galates 2 :20).
Il n’est plus question alors de choisir notre propre chemin, de faire les choses à notre idée, d’avoir notre volonté à nous, nos désirs personnels, d’établir le programme de notre vie, de dresser nos propres plans pour notre avenir. Non ! Rien, plus rien de nous-mêmes, ni dans un domaine, ni dans un autre; pas plus dans les questions de sentiment, que dans les questions de pensée ou de volonté. Tout désormais sera du Seigneur.
Quand nous en sommes venus à accepter cette position, à regarder la crucifixion de Christ comme étant NOTRE crucifixion, sa mise au tombeau comme étant la NÔTRE, mais sa résurrection aussi comme entraînant notre résurrection, nous recevons alors dans notre cœur le Saint-Esprit de Christ, qui se proposera comme objectif essentiel de gouverner notre vie, d’en diriger le cours et de choisir notre chemin.
Nous saurons alors ce que c’est que de pouvoir dire : «ce n’est plus moi».
« Si un seul est mort pour tous, tous donc sont morts ; et il est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux » (2 Corinthiens 5 :14-15), et cela grâce à la puissance et à l’énergie de l’Esprit qui demeure en nous. C’est quelque chose de très absolu, qui touche à toutes les parties de notre être et qui ne fait pas de quartier à la vie naturelle : voilà ce que signifie la Croix.
Cela ne veut pas dire que nous n’aurons plus jamais de défaillances ; nous pourrons encore nous tromper, mais c’est justement dans ces moments que nous aurons toujours recours au Sang. C’est CELA que nous avons eu tant de peine à apprendre — et que tant d’autres ont encore à apprendre — c’est que la Croix a un sens et une valeur qui lui sont propres : Ce n’est pas la purification de nos péchés que nous procure la Croix, c’est la crucifixion de la chair.
Notez qu’il est tout à fait possible de donner au sang une place de premier plan dans notre vocabulaire, d’avoir constamment sur nos lèvres la phraséologie qui s’y rapporte, tout en ayant le la Croix une connaissance très imparfaite. Vous pouvez dire sur le sang (sur le principe de la justification) toutes sortes de choses très justes, sans que votre chair cesse de se montrer, de se faire valoir, de la façon la plus déplacée. Ce qui est le signe du manque de l’expérience de la Croix.
« Notre vieil homme a été crucifié avec Christ » (Romains 6 :6). A quoi cela nous sert-il d’opposer le Sang à l’Ennemi, si notre chair n’a pas été à la Croix ? Si vous n’avez pas passé par cette intense réalisation de la Croix qui marque LA FIN de l’homme naturel, Satan reviendra par la porte de derrière, et malgré toutes vos belles phrases sur le Sang et sur votre justification, vous serez battus sur tous les points.
Que de prédicateurs pour qui le Sang demeure le thème central, alors que dans leur vie, la chair s’étale sans retenue ! C’est le «moi» qui est toujours au premier plan … Vous pouvez prêcher le Sang et rester néanmoins plein de cette assurance déplacée qui caractérise la chair, et qui est faite d’orgueil, d’ambition, et de bien d’autres éléments du même ordre.
Ainsi, la Croix concerne l’homme, comme le Sang concerne le péché.
Théodore Austin-Sparks
Extrait de «Christ notre vie»