«Au cours des années passées dans le «ministère», j’ai été amené à beaucoup écouter, et j’ai observé autour de moi. Je pense m’être défié de trop parler, car la bouche qui parlera beaucoup ne pourra manquer de pécher. Mais comme un homme, il m’est arrivé de broncher, et bien des choses que j’ai dites auraient mérité de rester dans l’oubli, même parfois lorsque j’ai pensé parler pour Dieu. J’ai noté certaines choses que le Seigneur m’a enseignées par l’expérience, et j’ai voulu les partager.
J’ai vu par exemple que c’était une bonne chose de prier pour les autres, mais qu’il ne fallait pas oublier de prier pour soi-même, car nos aveuglements sur nous-mêmes sont plus nombreux qu’on l’imagine. Se détourner de soi vers les autres est bien, mais oublier de se regarder (juger/éprouver) soi-même finira par être dommageable. J’ai entendu de «grands» intercesseurs pleurer pour les pécheurs, et invoquer la Grâce de Dieu sur des pays entiers tout en conservant un coeur dur et des rebellions cachées, et faisant peser sur leurs proches la tyrannie de leur caractère non crucifié…
J’ai vu aussi que l’on pouvait confesser ses péchés pour être pardonnés, et cela autant de fois qu’on le souhaite, et c’est une grâce précieuse. Mais si on ne les abandonne pas, chaque confession répétée pourrait finir par devenir pour nous une malédiction («Celui qui cache ses transgressions ne prospérera point, mais celui qui les confesse et les abandonne obtiendra miséricorde» Prov. 28:13). Car à force de nous repentir et nous repentir encore, et ne jamais changer, il nous faudra bientôt nous repentir de nous être trop souvent repentis … pour rien ! «Va et ne pêche plus», disait Jésus après avoir exaucé et guéri TOUS ceux qui venaient à Lui avec des besoins.
J’ai vu que se livrer à «la confession des promesses» est également une bonne chose, qui a attiré nombre de chercheurs d’onctions; il y a, dit-on dans la Bible, une promesse pour chaque jour de l’année, et Dieu a prévu pour ses enfants une position élevée, la plus haute dans le ciel. Mais la confession des promesses et L’ENTRÉE dans les promesses sont deux choses bien distinctes; attention à ce que l’expérimentation de la première (confesser) ne nous conduise pas à croire faussement que nous sommes déjà dans la seconde…
J’ai vu que «lier l’ennemi» est une pratique qui semble remporter un certain succès, et que «prendre autorité» sur les puissances spirituelles de méchanceté qui agissent pour faire le mal, est regardé comme une réponse possible à leur action. Mais là encore, il conviendrait de discerner entre la langue et l’esprit. «Lier l’ennemi» et «prendre autorité» sur lui implique que nous possédons effectivement une autorité réelle, et qu’à la faveur d’une circonstance donnée, nous la manifestons tout simplement. Si nous n’avons pas cette autorité, taisons-nous. Si même nous supposons que nous l’avons, taisons-nous. Si nous «tentons» une prière d’autorité pour «voir si ça marche», taisons-nous aussi. Ce n’est pas le bruit ni les cris qui chassent l’ennemi, mais c’est l’obéissance à la Parole de Jésus, raison pour laquelle sans doute le nombre de prières ponctuées par le «au nom du Seigneur Jésus-Christ» n’est pas toujours proportionnel au pourcentage d’exaucements.
J’ai vu que se livrer à la louange est une bonne chose, car un coeur réjoui est la santé pour les os (Prov. 17/22), mais qu’à trop se livrer à la joie, on finit par se défier de la tristesse, qui est aussi une bonne chose («mieux vaut le chagrin que le rire» Eccl. 7/4). La joie de l’Eternel est notre force, oui, mais il ne s’agit pas de notre joie. Beaucoup se plongent dans la joie, qui n’est souvent qu’une forme d’inconscience et de déresponsabilisation, en s’imaginant qu’ils expérimentent la joie de Dieu. Leur réveil sera douloureux. Soyons toujours joyeux, oui, et cependant toujours prêts à porter les fardeaux les uns des autres, à servir, pleurer avec ceux qui pleurent, etc …
Il est effrayant d’entendre parfois l’exhortation sainte «entrez dans la joie de votre Maître» donnée légèrement à quelqu’un qui est triste … C’est la traduction d’un dramatique manque de discernement, couplé à une ignorance du sens de la Parole de Dieu. La joie de Christ a résidé toute entière à faire la volonté du Père, dans la perspective de la croix. Pensez-vous qu’Il donnerait cette joie-là, «trésor des ténèbres» (Esaïe 45/3) à des pseudo-croyants qui pleurent en fait sur leur moi ?
J’ai vu aussi des choses étranges qui se perpétuent parmi le peuple de Dieu : il est possible d’oindre d’huile des lieux, des animaux et même des véhicules. En la matière, il semble que l’imagination des chrétiens soit sans borne. Vu de l’extérieur, ou avec simplement un peu de recul, cela fait passer certains magnétiseurs ou adeptes des formules cabalistiques pour de pâles amateurs du surnaturel.
Où donc est notre Modèle ? Ne regardons pas à certains effets, voire à certains résultats : les magiciens de pharaon n’avaient-ils pas le pouvoir de déclencher certains effets prodigieux ? N’empruntons rien aux usagers des forces surnaturelles, car nous finirions par leur ressembler, mais que la Parole de Dieu soit notre phare, une lampe à nos pieds et une lumière qui brille sur notre sentier. Rien de moins que les promesses de la Parole, oui, mais rien de plus.
Je ressens enfin aujourd’hui un certain malaise et un décalage, avec tout ce temps passé, en voyant combien l’église moderne met l’accent sur l’organisation et la gestion de l’adoration dans son fonctionnement. Sous un certain angle, c’est un progrès. Le moment musical est devenu très riche, et on a gardé un semblant de sainteté là où la sobriété et l’humilité ont été sauvegardées. Ailleurs, la mondanité s’est introduite par le culte de l’esthétisme, directement hérité de l’esprit de Caïn, l’homme religieux. Il est bon de louer l’Eternel, mais nous sommes en danger de faire d’un moyen … le centre d’intérêt lui-même, plutôt que l’Eternel. Je ne plaide pas pour un misérabilisme chrétien, mais contre la dérive du «mieux» qui devient l’ennemi du «bien».
On en vient maintenant à encourager une forme d’adoration corporelle, ce qui est un autre signe du déplacement du Centre vers nous-mêmes; on ne sait plus ce qu’on adore, comme Jésus l’exprima à la femme samaritaine. C’est probablement un leurre de l’ennemi, un piège subtil dans lequel une église charnelle aurait plaisir à tomber, frustrée de sensations comme les israélites dans le désert, lassés du «vieux» Dieu exigeant de Moïse, pressés de changer le style de son adoration (Ex. 32:1à 6).
Que Dieu soit le centre de l’univers, de MON univers, et alors naîtront, s’enfanteront, les ondes de la louange, de l’adoration, de la foi, de la joie, du service, du don …au son des chants célestes (Luc 2:14), sous l’inspiration d’un cantique nouveau venant du trône de Dieu (Apoc. 5:9), de ce Dieu-là qui donne des chants dans la nuit (Job 35:10) à ceux qui s’attendent à Lui et marchent avec Lui ».
©Le Sarment