Considérez Josaphat, roi de Juda, attaqué soudain par une coalition d’ennemis : Ammonites, Edomites et Moabites qui arrivent sur lui à l’improviste. Il ne l’apprend que lorsqu’ils sont à dix lieues de la capitale. Le sens commun aurait suggéré : il faut mobiliser, se précipiter pour les arrêter ; cependant sans beaucoup d’espoir, car ils étaient en nombre bien supérieur et préparés au combat. Mais Josaphat connaissait le secret de la stratégie spirituelle : ne pas se précipiter au-dehors, mais au-dedans, aller vers le Commandant en Chef, mettre la chose au clair avec lui, prendre son point de vue et ses ordres.
Josaphat était homme ; il avait peur, nous dit le récit. Bon, c’est tout à fait normal et même, en fait, nécessaire car la crainte c’est de la foi à rebours ; or la foi, après avoir été portée à croire le pire, peut être retournée et croire le contraire. Paul aussi avait peur en arrivant à Corinthe, après les mauvais traitements subis à Philippe et à Thessalonique, mais il fit de sa crainte un boomerang et elle devint la force qui le conduisit à ne prêcher que « Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié » (1 Cor. 2/3) avec plus de détermination que jamais. Jésus lui-même a connu la crainte mais la crainte suscita « de grands cris et des larmes » (Heb. 5/7) et ces larmes une foi victorieuse. Il a « été exaucé à cause de sa piété » (anglais : « en ce qu’il craignait ».
Josaphat de même sut utiliser sa crainte. Il ne lui permit pas de le paralyser spirituellement en submergeant son esprit de suggestions affolantes, ni en épuisant ses forces par de vains préparatifs. Il ne lui permit pas de le tenir captif de la puissance des apparences. Il a pris la voie par laquelle l’âme, en proie à la frayeur, lutte pour échapper au sinistre emprisonnement des menaces sataniques et atteindre les hauteurs vivifiantes des délivrances divines, pour passer des cris de terreur au rire de la foi, pour redresser l’échine courbée sous le poids des soucis et fouler aux pieds l’ennemi. Il a appelé la nation à observer un jour de jeûne et de prière ; non point à l’action sur le front, mais aux consultations d’état-major. Il opère en stratège : le moment de la tactique n’est pas encore venu.
Mais notez bien maintenant le contenu de cette prière, que le récit cite toute entière (2 chr. 20/1 à 30). Il n’en vient à sa requête précise qu’à la dernière phrase. Tout le reste consiste à poser à Dieu des questions bien simples, auxquelles on ne peut, de toute évidence, répondre qu’affirmativement. « N’es-tu pas Dieu dans les cieux, et n’est-ce pas toi qui domines sur tous les royaumes des nations ? N’est-ce pas toi qui a en main la force et la puissance, et à qui nul ne peut résister ? ». Puis un peu plus près du sujet, « N’est-ce pas toi, ô NOTRE Dieu, qui a chassé les habitants de ce pays devant ton peuple d’Israël, et qui l’a donné pour toujours à la postérité d’Abraham qui t’aimait ? » et n’est-il pas dit que « S’il nous survient quelque calamité … nous crierons à toi … tu exauceras et tu sauveras ? »
Que faisait donc Josaphat ? Il ne cherchait pas à persuader Dieu, mais à se persuader lui-même ! Il amoncelle devant Dieu, dans sa propre pensée, un poids écrasant de preuves du droit que Dieu lui a donné de faire appel à Lui en pareil cas. Il trouvait là, en fait, un marchepied pour sa foi. Et cela nous amène à la vraie racine de la prière efficace. Elle vient d’abord de Dieu à moi, puis retourne de moi à Dieu. C’EST DIEU QUI a des desseins à réaliser : détruire les oeuvres du diable, montrer aux hommes Sa gloire et Sa grâce ; C’EST DIEU QUI permet pour nous telle ou telle expérience ; alors, si nous prêtons attention, C’EST LUI QUI nous dira comment Il va glorifier Son nom et confondre le diable en nous tirant d’affaire. Il peut sembler que c’est nous qui crions à Lui de nous délivrer mais, tandis que nous plaidons et nous raisonnons en lui rappelant Ses promesses, c’est en réalité l’Esprit qui, parvenant à nous pénétrer, nous apporte la certitude que Dieu a, depuis longtemps, formé le dessein de nous répondre. Il sait ce dont nous avons besoin avant que nous le lui demandions. Sa réponse devance notre appel. En d’autres termes, pendant que nous nous évertuons à persuader Dieu, c’est en réalité lui qui nous persuade ! Car, ce qu’Il veut, c’est notre foi ; mais on ne parvient pas facilement à la foi dans un moment de tension et de perplexité, car avoir la foi c’est entendre la voix de Dieu et Le croire ; et il se peut que l’esprit troublé ait besoin de se répandre en gémissements, en larmes et en luttes avant d’être dans l’attitude de détente qui convient pour percevoir cette voix toujours prête à se faire entendre.
Ainsi Josaphat « se disposa à chercher l’Eternel » et s’éloigna, par le jeûne, de tout ce qui aurait pu le distraire ; il se mit à discuter publiquement avec Dieu des raisons pour lesquelles il devait secourir, et s’avouant impuissant et perplexe, il demanda finalement à Dieu d’agir Lui-Même.
Norman Grubb, extrait du livre « la loi de la foi », éditions Missions Prière et Réveil, première édition anglaise 1947