L’apôtre Jean marque le Nouveau Testament d’une empreinte particulière. Son caractère et la teneur de ses écrits tracent les contours d’une personnalité attachante, très proche de Jésus pendant son ministère terrestre, et d’une grande rigueur de pensée dans ses écrits.
Son frère Jacques et lui venaient d’une famille de pécheurs, et leur père, Zebedaios (Zébédée), lançait ses filets sur la mer de Galilée. Il employait quelques ouvriers (Mc 1/20), ce qui était le signe d’une certaine réussite sociale.
Les fils de Zébédée sont proches des fils de Jonas (André et Pierre) auxquels ils s’associent parfois pour des campagnes de pêche (Luc 5/10).
Tous ces personnages sont déjà très liés lorsque Jésus apparaît sur la scène publique. Les liens de parenté, proches ou éloignés, jouent souvent un rôle au milieu des protagonistes des évangiles, comme c’est le cas entre Jésus et Jean-Baptiste, qui sont cousins (Luc 1/36).
Ils ont entendu la prédication du baptiseur, à laquelle ils ont adhéré, jusqu’à faire partie – pour certains d’entre eux – de ses disciples (Jean 1/35 – 41). Ils sont dans l’attente de l’accomplissement des paroles du prophète, et Jean est parmi les premiers à l’entendre désigner Jésus de Nazareth comme le Sauveur d’Israël. Alors, avec d’autres, il commence à suivre le jeune Rabbi. Il accompagne Jésus à un mariage à Cana, et commence à le suivre.
Caractère tempétueux
On parle quelquefois du « feu sous la glace » pour évoquer les caractères contrastés et c’est le cas de Jean et de son frère. D’emblée Jésus les a surnommés « fils du tonnerre » (Marc 3/17), avec une pointe d’ironie, sans doute pour une ferveur et un zèle excessif. Peut-être avaient-ils hérité de ce trait de leur mère, qui n’avait pas hésité un jour à demander à Jésus d’accorder à ses deux fils une place privilégiée dans son règne (Matthieu 20/20), au grand dam des autres disciples.
Dans une autre circonstance plus révélatrice, ils ont proposé à Jésus de prier pour que le feu du ciel tombe sur un village de samaritain qui avait refusé de les recevoir. Ils pensaient pouvoir le faire, comme le prophète Elie l’avait accompli ! Ce qui leur avait attiré cette claire réprimande : « vous ne savez pas de quel esprit vous êtes animés » (Luc 9/55). Ce qui pourrait être paraphrasé ainsi « Je sais que vous avez une forte notion de ma gloire et de ma sainteté, et que vous êtes scandalisés par leur attitude, leur aveuglement, leur péché, mais s’il fallait consumer tous ceux qui ne connaissent pas leur droite de leur gauche, ou qui me rejettent, il ne resterait pas grand monde ».
Dans cet épisode, on aurait facilement … tué pour « l’amour de Dieu », pour l’œuvre de Dieu, pour la mission de Dieu, et pour l’amour de la vérité. Et on se rappelle de Moïse qui, dans le déclenchement de son action pour Dieu, ne put éviter que la marque de la mort s’attache à ce ministère naissant, entraînant la fuite, l’échec et le brisement.
On entend souvent dire que Dieu cherche des adorateurs, et qu’il cherche des ouvriers dans la moisson, mais on entend moins souvent enseigner que Dieu doit aussi « refroidit » quelques bouillants serviteurs. Le zèle amer est impur, et la colère de l’homme ne peut pas accomplir la justice de Dieu.
Le signe cardinal d’un ministère ou d’un service authentique, c’est un caractère consacré, une nouvelle nature, sans lequel les œuvres pour Dieu ne résisteront pas à l’épreuve du feu.
Le disciple que Jésus aimait
Mais Jean porte un autre surnom, qu’il s’est donné lui-même, et qui est « le disciple que Jésus aimait » (Jean 13/23, 19/26, 20/2, 21/7 et 20). Il faut se souvenir que son évangile est identifié comme le plus tardif, vraisemblablement écrit très longtemps après les évènements racontés. Il décrit sans compromis l’épisode peu flatteur du bouillonnant disciple qu’il était, comme s’il parlait d’une autre personne. Sans doute parce que le narrateur est une autre personne : c’est lui, mais il est devenu une nouvelle créature.
« Le disciple que Jésus aimait » était celui qui entretenait la plus grande proximité avec lui : il fait systématiquement partie du cercle rapproché avec son frère Jacques et Pierre, et on voit une réelle affection s’exprimer à l’égard du Seigneur (Jean 13/23). Il est le seul parmi les disciples à se trouver au pied de la croix, et c’est à lui que Jésus lui confie sa mère (Jean 19/26) alors que tous l’ont abandonné. Le fils du tonnerre s’est transformé au fil du temps, en acceptant de se dépouiller du vieil homme, pour revêtir le nouvel homme.
L’épisode du village samaritain lui a révélé que son impulsion intérieure, même lorsqu’elle s’exprime pour Jésus, peut l’entraîner loin du Seigneur, et même diverger totalement de ce qu’Il est. Raison pour laquelle, peut-être, certains diront à la fin : « Seigneur, n’avons-nous pas fait … ceci et cela ? Et lui leur dira : « je ne vous ai jamais connus …» (Matthieu 7/23).