le mystère d’iniquité

«Car le mystère d’iniquité opère déjà; il faut seulement que celui qui le retient encore maintenant, ait disparu» (2 Thes. 2/7).
La seconde épître aux Thessalonniciens nous apprend que le retour du Seigneur Jésus se produira après qu’un temps d’apostasie (d’abandon de la vraie foi dans le christianisme) se soit généralisé et qu’un personnage, «l’homme de péché» (ou « l’homme de destruction » ou « le fils de perdition ») ait été manifesté par le pouvoir et la puissance de Satan (2/9).
Dans ce passage prophétique des Ecritures, l’apôtre Paul nous apprend que le mystère d’iniquité agissait déjà, à l’heure où il écrivait cette lettre, mais que la puissance du Saint-Esprit était à l’oeuvre pour retenir la manifestation de ces événements jusqu’à l’heure prévue pour cela : «Et maintenant vous savez ce qui retient afin qu’il ne paraisse qu’en son temps». Cette action de retenue durera au cours des âges, jusqu’au moment de l’Histoire où le champ libre sera laissé à l’ennemi, «l’adversaire, qui s’élève au-dessus de tout ce qu’on appelle Dieu».

Quel est ce mystère d’iniquité ? Est-il possible que ce soit le mal ? le péché ? la méchanceté ? la violence ? De quel obscur ennemi parle donc l’apôtre, à quel cancer fait-il allusion ? Dans les exemples qui sont cités ici (mal, péché, violence, méchanceté, etc) l’iniquité n’a rien de mystérieux, comme chacun en  conviendra. Que l’iniquité provienne du mal, c’est presque un pléonasme.
Mais que l’iniquité existe dans le Bien, c’est cela qui serait mystérieux.
Peut-être faut-il se souvenir, pour comprendre la pensée de l’apôtre,  de la surprise ressentie par Jean lors de sa vision de l’Apocalypse (ch. 17), lorsqu’il comprend QUI est véritablement la grande prostituée … Voilà, en effet, ce que l’iniquité a de mystérieux : c’est qu’elle soit trouvée et qu’elle se manifeste là où on ne l’attendait pas et qu’elle développe son action sous le couvert d’un masque.

Ces hommes ne comprennent sans doute pas complètement ce que l’Esprit leur montre, ou leur annonce à l’avance, car «l’église» de leur temps n’a pas le même visage que celle de la fin des temps.
Pour se convaincre de cette triste réalité, il suffit d’analyser le sens de tous les combats de l’apôtre Paul contre les déviances de ses enseignements, et nous comprenons effectivement que le mystère d’iniquité agissait déjà, dès les premiers pas de l’église originelle, pour semer les ferments destinés à pervertir la plus grande partie possible de la récolte.

Dans les écrits néo-testamentaires, on nous annonce les débuts du mystère d’iniquité; qu’en sera-t-il de son aboutissement ? Dans les derniers jours, dit-il à Timothée, «il y aura des temps difficiles … les hommes seront amis des voluptés plutôt qu’amis de Dieu, ayant la forme de la piété, mais en ayant renié la puissance … détourne-toi de telles gens … mais toi, tu as pleinement compris ma doctrine» (2 Tim. 3/1). Encore une fois nous attribuerons cette révélation de la fin à l’Eglise, à cause de la référence «ayant la forme de la piété».

Des temps difficiles précèdent donc prophétiquement le retour du Seigneur Jésus : ce plan authentique et scripturaire ne s’accorde pas avec les annonces prophétiques qui abreuvent l’Eglise d’une imagerie glorieuse et pleine de promesses de réveils. Là encore, «le mystère d’iniquité agit» au sein-même de l’Eglise, tout comme le peuple de Dieu et les chefs religieux (et prophètes) l’annonçaient à Jérusalem, du temps de Jérémie par exemple, de Josaphat ou d’Elie. On peut remarquer dans la Bible que le nombre de voix prophétiques qui claironnent dans une direction est souvent inversement proportionnel à la mesure de vérité qu’elles contiennent … Le prophète de Dieu, la plupart du temps, est seul, croupissant en prison (ou au placard), en un mot «dans le désert», loin, très loin d’une notoriété soignée.

Les temps difficiles de la fin voient donc émerger un phénomène que l’apôtre appelle l’apostasie, c’est-à-dire un abandon de la foi – rouage essentiel du «mystère d’iniquité» – par ceux qui en sont les représentants. Il s’agit donc d’un état des lieux du christianisme final, et non la radiographie d’un monde qui n’est pas intéressé par la foi, de toute façon.

Dans l’analyse de Paul, l’état du monde à la fin des temps ne l’intéresse que modérément. C’est l’église qui le préoccupe, la sphère chrétienne, ceux qui sont les dépositaires de l’héritage pour lequel il a souffert. L’abandon dont il est question ici n’est pas un abandon total, mais un abandon des valeurs essentielles sur lesquelles se fonde le christianisme, un recul, une «désincarnation» de sa force. Apostasier signifie littéralement abandonner, mais par extension nous pourrions adjoindre à cette traduction «se désintéresser», «laisser tomber», «revenir en arrière», «retourner à ce qu’on avait vomi», «ne faire qu’une expérience temporaire avec le Seigneur, le temps de se faire baptiser par exemple, puis retourner à son ancienne vie» … Partout où le christianisme est vécu comme une religion, une philosophie, une habitude, l’apostasie s’installe insidieusement, contenant en elle-même une mise en doute de l’authenticité de la Parole de Dieu.

Le «mystère d’iniquité» enfante donc une église de la fin minée par  la remise en question de l’interprétation et de la compréhension de la volonté divine, de la Parole de Dieu, comme ce fut le cas au début, dans le jardin d’Eden. C’est un affaiblissement graduel de la vraie force spirituelle, celle qui pousse dans la sainteté, la pureté, le sacrifice de soi. En même temps, un soin est apporté à l’entretien des apparences, l’usage des raccourcis «spirituels», de la poudre aux yeux, ce qui laisse vacant un espace religieux dans lequel émerge et prospère une mentalité, un esprit religieux qui n’a pas besoin de Christ, de la repentance, de la croix, tout en revendiquant l’héritage spirituel du christianisme. .

 

 

 

Article de Jérôme Prékel/paru dans le n°33 du Sarment

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