Voici onze mois que l’on a détecté mon cancer, onze mois de l’année qui, selon l’estimation de mon médecin, me restaient à passer ici-bas. Le pronostic médical n’a pas changé et le dernier examen a montré une nouvelle progression de la tumeur. Officiellement, l’avenir est sombre, et je m’habitue au fait que la plupart des gens me considèrent comme mourant, définitivement condamné. Je ne suis pas encore sorti d’affaire. Tout est question de foi.
C’est pourquoi j’écris ce livre à ce moment précis. Je ne jette pas un coup d’œil sur un épisode pénible de mon passé; les difficultés sont bien encore là. Je n’écris pas comme si je me sentais relativement en sécurité; je suis en plein combat, humainement parlant, sans réponse ni certitude, sans preuve de guérison — sans rien. Une seule chose est sûre : l’inconnu, que j’appréhende. Et cependant, en réalité, au fond, ma position n’est pas différente de celle de n’importe qui. Nul ne sait ce que l’avenir lui réserve. Nos vies sont pleines de si, de mais, de suppositions. Rien n’est sûr, sauf la mort. L’objet de la foi est naturellement d’une importance capitale et peut varier considérablement. Certains se confient en Dieu, d’autres en l’argent, la chance, la prospérité, la santé, la médecine, la philosophie, les châteaux en Espagne. Mais personne ne peut échapper au risque de la foi face aux aboutissements de la vie et de la mort.
L’opposé de la foi est la peur et j’ai découvert qu’elles se livrent une bataille continuelle. En un sens, la peur est une forme de foi, en ce que vous ne voudriez pas voir arriver. Job a dit : “Ce que je crains, c’est ce qui m’arrive; ce que je redoute, c’est ce qui m’atteint” (3/25). Cette déclaration contient une très grande vérité. Quand nous avons peur de quelque chose, nous préparons presque sa réalisation. Nos craintes, si peu fondées et irrationnelles soient-elles, peuvent déclencher leur accomplissement.
La peur a été décrite comme la plus grande menace pour la santé dans notre génération, du fait qu’elle règne dans le monde entier. La peur est une puissance qui trompe et détruit. Elle fait disparaître la paix de notre esprit, déforme notre raisonnement, amplifie nos problèmes, brise nos rapports, ruine notre santé, nous incite à des entreprises insensées, et parfois à des actes de violence, paralyse notre faculté de penser, d’aimer, d’espérer.
À plusieurs reprises, Jésus a reproché à ses disciples leur peur et manque de foi : “Pourquoi avez-vous ainsi peur ? Comment n’avez-vous point de foi ?” (Marc 4/40). Le contexte de cette interpellation est intéressant. Les disciples se trouvaient dans une barque, surpris par une violente tempête sur le lac de Galilée; certains d’entre eux étaient des pécheurs expérimentés. Néanmoins ils furent affolés. C’est pourquoi ils réveillèrent le Seigneur, qui dormait paisiblement au milieu de la tempête : “Maître, ne t’inquiètes-tu pas de ce que nous périssons ?”. Il leur sembla qu’Il ne s’inquiétait de rien. Immédiatement, Il menaça le vent et les vagues et il y eut un grand calme. Jésus fut nettement déçu de voir que ses disciples n’avaient pas encore appris à se confier en Dieu au sein de leurs difficultés : “POURQUOI avez-vous peur ?”.
Dieu ne promet jamais de nous garder des problèmes de la vie. Il nous dit seulement qu’Il nous aidera à les résoudre. Si nous l’excluons de la scène, les difficultés peuvent tellement nous arracher notre sens de sécurité que nous nous pensons vulnérables, et sommes anxieux et remplis de frayeur. D’autre part, ces mêmes difficultés peuvent nous ramener à Dieu et fortifier notre foi. Nous nous sentons tout aussi vulnérables, mais nous nous voyons contraints de nous confier en Dieu. Il n’y a pas d’autre alternative. Nous découvrons alors qu’Il est avec nous dans le noir comme dans la lumière, dans la douleur comme dans la joie.
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“Et si tu n’es pas guéri ?” me demande-t-on parfois. Bien qu’il ne me paraisse pas très utile de m’arrêter sur cette question, je me rends compte qu’il est normal de la poser, et c’est là que se manifeste l’importance de l’espérance chrétienne pour l’avenir. Il est clair que je ne peux savoir s’il me reste dix ou vingt ans à passer ici-bas, ou même seulement une année. Mais ceci est également vrai pour chacun d’entre nous. Avec tous nos projets, nous devons apprendre à vivre un jour à la fois, et à jouir de chaque journée comme étant un don de Dieu : “C’est ici la journée que l’Eternel a faite, qu’elle soit pour nous un sujet d’allégresse et de joie” (Ps. 118/24). Certains chrétiens parlent du caractère sacré du moment présent : il nous faut vivre, non seulement un jour à la fois, mais un moment après l’autre, cherchant à faire la volonté de Dieu à chaque instant de notre vie. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons connaître la plénitude de la joie et de la paix de Dieu.
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Quel est le but de notre passage ici-bas ? “La vie éternelle, disait Jésus, dans une prière adressée à Dieu, Son Père, consiste pour eux à te connaître, toi le seul vrai Dieu, et à connaître Celui que tu as envoyé, Jésus-Christ” (Jean 17/3). Il n’y a rien de plus important que notre relation avec Dieu, ici-bas et dans l’au-delà.
Récemment un docteur déclara : “Nos patients s’attendent à ce que nous les rendions immortels !”. Beaucoup de gens s’accrochent avec ténacité à cette vie, parce qu’ils craignent qu’il n’y ait rien d’autre après. La préoccupation actuelle des jeunes démontre la même profonde anxiété devant l’avenir, spécialement au sujet du dernier ennemi, la mort, dont le cancer semble être le symbole le plus effrayant.
Un jour, nous risquons de perdre tout ce qui fait partie de ce monde, et nul ne sait quand ce jour arrivera. À partir du moment où nous avons abandonné notre vie à Dieu, nous Lui appartenons pour toujours; et, en Christ, nous possédons tout ce qui a une valeur éternelle. Si nous passons notre temps à nous inquiéter sur nous-mêmes, nous ratons complètement le but de notre passage sur cette terre. C.S. Lewis l’explique en ces termes : “Cherchez ce que vous êtes; à la longue, il ne vous restera que la haine, la solitude, le désespoir, la colère, la ruine, la décomposition. Mais cherchez Christ et vous le trouverez, Lui, et avec Lui vous aurez toutes choses”. C’est la seule sécurité qui, finalement, mérite ce nom.
Dieu ne nous promet pas de nous tenir à l’abri du mal dans ce monde déchu. Il n’y a pas d’immunité contre la maladie, la douleur, le chagrin, la mort. Ce qu’Il nous promet, c’est sa présence, laquelle ne fait jamais défaut à ceux qui L’ont trouvé en Christ. Rien ne peut détruire cette assurance. Il est toujours avec nous. Et, en fin de compte, c’est tout ce que nous avons besoin de savoir.
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extrait de « Ne crains pas », de David Watson, édition CLC