Kurios

Éphésiens 4/11 : « Et il a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, pour le perfectionnement des saints en vue de l’oeuvre du ministère et de l’édification du corps de Christ, jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ, afin que nous ne soyons plus des enfants, flottants et emportés à tout vent de doctrine, par la tromperie des hommes, par leur ruse dans les moyens de séduction, mais que, professant la vérité dans la charité (dans l’amour), nous croissions à tous égards en celui qui est le chef, Christ ».

 

Un aveuglement

Lors de son discours du jour de la Pentecôte, Pierre a dit aux juifs que le Prince de la Vie était venu (Actes 3/15), et qu’ils l’avaient crucifié, sans reconnaître QUI il était vraiment. Ils n’avaient pas compris la véritable nature du Seigneur, malgré les œuvres extraordinaires qui avaient été accomplies par Lui, et qui étaient pourtant connues dans tout le pays.

Dans le prologue de l’évangile de Jean, on ressent également ce paradoxe, puisque l’auteur explique que la Parole vivante — incarnée par Jésus — celle par laquelle le monde a été créé, est venue chez les siens, et que les siens ne l’ont pas reconnue (Jean 1).

Cet aveuglement[1] empêchait ces hommes de prendre conscience de la dimension éternelle, céleste et spirituelle de l’œuvre de Jésus, ce qui pousse l’auteur de l’épître aux Hébreux à dévoiler une autre part cachée :

« … nous avons un souverain sacrificateur (Jésus), qui s’est assis à la droite du trône de la majesté divine dans les cieux, comme ministre du sanctuaire et du véritable tabernacle, qui a été dressé par le Seigneur et non par un homme » (8/1), « … il a traversé le tabernacle plus grand et plus parfait, qui n’est pas construit de main d’homme, c’est-à-dire, qui n’est pas de cette création; et il est entré une fois pour toutes dans le lieu très saint, non avec le sang des boucs et des veaux, mais avec son propre sang, ayant obtenu une rédemption éternelle » (9/11), « … car Christ n’est pas entré dans un sanctuaire fait de main d’homme, en imitation du véritable, mais il est entré dans le ciel même, afin de comparaître maintenant pour nous devant la face de Dieu » (9/24).

La réponse : une révélation

Après le départ du Seigneur (Son enlèvement), le Saint-Esprit s’est employé à révéler aux disciples et aux croyants la profondeur, la largeur et la hauteur de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ. C’est pourquoi nous voyons Pierre, ce fameux jour de la Pentecôte, oser proclamer à cette foule qui l’écoute, que le grand Dieu d’Israël, de Dieu d’Abraham, Isaac et Jacob, l’Éternel glorieux du Sinaï, a fait SEIGNEUR et CHRIST ce Jésus crucifié et ressuscité :

Actes 2/36 : “Que toute la maison d’Israël sache donc avec certitude que Dieu a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez crucifié”.

Cette déclaration a quelque chose de fracassant, dans le paysage de la culture et de la religion juive. En effet, Jésus vient d’être crucifié pour cette même raison, ce même délit de divinisation, et ses disciples, loin de reculer sur ce terrain de l’affirmation de Sa seigneurie (et donc de l’incarnation de la divinité en lui), le proclament à des milliers, en plein Jérusalem. Ce message audacieux va au-delà de la provocation religieuse, c’est un défi spirituel à des forces spirituelles, au mépris des menaces de mort qui pèsent sur les témoins de ces choses.

Une proclamation courageuse

Le terme «Seigneur» (kurios, κύριος, 667 occurences dans le Nouveau Testament) était la retranscription grecque la plus proche du mot «Adonaï» employé par les juifs pour accompagner le nom imprononçable de l’Éternel[2] : « Abram répondit : Seigneur [Adonaï] Eternel, que me donneras-tu ?» (Genèse 15:2). Et lorsque ce qualificatif sacré a été attribué à un autre que le Dieu Unique (en l’occurence Jésus, un homme né d’une femme), cela ne pouvait que constituer un crime (une hérésie) aux yeux de tous les juifs pieux. Parce qu’UN seul est Seigneur, comme le disait depuis des siècles le “shema Israël”, ce que d’ailleurs Jésus lui-même a rappelé : « Le premier de tous les commandements est: « Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est un seul Seigneur [3]» (Marc 12/29).

 Ce qui est surprenant (et pas toujours facile à comprendre), c’est que les auteurs néo-testamentaires, serviteurs du «Seigneur Jésus-Christ [4]», ne cessent d’affirmer : « Il n’y a qu’un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, parmi tous, et en tous» (Ephésiens 4/1-6) et «néanmoins pour nous il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses et pour qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui sont toutes choses et par qui nous sommes» (1 Corinthiens 8/6).

La proclamation «Jésus est Seigneur» (Rom. 10/9) est une affirmation spirituelle qui démontre simplement que les chrétiens qui font l’expérience d’une relation personnelle avec Christ, et qui sont enseignés par Son onction[5], Son Esprit, sont libres des cadres théologiques, qui sont humains et donc forcément réducteurs. Ils souscrivaient en l’absolue et entière révélation de l’incarnation de la divinité en Lui :

«Il est l’image du Dieu invisible» (Colossiens 1/15)

«Car en lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité» (Colossiens 2/9)

«Car Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même» (2 Corinthiens 5/19).

Et Jésus ne disait pas autre chose :

«Celui qui m’a vu a vu le Père» (Jean 14/9)

«Croyez-moi, je suis dans le Père, et le Père est en moi » (Jn. 14/11)

«Vous m’appelez Maître et Seigneur; et vous dites bien, car je le suis» (Jean 13/13).

Le Saint-Esprit continue de révéler

Il était donc nécessaire qu’après sa mort, sa résurrection et son enlèvement, Jésus soit dépeint et expliqué dans la plénitude de Sa véritable nature, par Ses témoins. Il n’était pas du tout question prioritairement de constituer une Église, même si ce point de pure logistique va finir un jour par se poser; mais il s’agissait d’annoncer la véritable personne de Jésus, de proclamer Sa résurrection et le sens de Son œuvre, Sa place dans le plan divin : à la fois le SAUVEUR et le SEIGNEUR. Et on peut insister encore une fois sur le caractère dangereux de ce message pour ceux qui le partagent :

«…afin que j’annonce pleinement la parole de Dieu, le mystère caché de tout temps et dans tous les âges, mais révélé maintenant à ses saints, qui Dieu a voulu faire connaître quelle est la glorieuse richesse de ce mystère parmi les païens, savoir: Christ en vous, l’espérance de la gloire. » (Colossiens 1/26 à 28)

« afin que vous puissiez comprendre avec tous les saints quelle est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, et connaître l’amour de Christ, qui surpasse toute connaissance, en sorte que vous soyez remplis jusqu’à toute la plénitude de Dieu» (Éphésiens 3/18, 19).

« jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ » (Éphésiens 4/13).

«Si notre Evangile est encore voilé, il est voilé pour ceux qui périssent; pour les incrédules dont le dieu de ce siècle a aveuglé l’intelligence, afin qu’ils ne vissent pas briller la splendeur de l’Evangile de la gloire de Christ, qui est l’image de Dieu» (2 Corinthiens 4/3).

Annoncer Christ

Cette évangélisation de l’Église naissante est une proclamation dont Christ est le centre. Il est la raison d’être des témoignages, et alimente par son propre sujet les contenus des messages. On n’annonce d’ailleurs pas un message, une théologie, ou comme on dit aujourd’hui : un évangile, mais on annonce une personne, Jésus :

«Philippe, étant descendu dans la ville de Samarie, y prêcha le Christ» (Actes 8/5)

«Et aussitôt il prêcha dans les synagogues que Jésus est le Fils de Dieu» (Actes 9/20)

« C’est lui que nous annonçons » (Colossiens 1/28)

«Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes; c’est Jésus-Christ le Seigneur que nous prêchons» (2 Cor. 4/5).

«Car le Fils de Dieu, Jésus-Christ, qui a été prêché par nous au milieu de vous …» (2 Corinthiens 1/19).

On prêche qu’il est le Sauveur, ce qui signifie qu’Il pardonne les péchés, qu’Il réconcilie toutes choses avec le Père. Et on prêche aussi qu’Il est le Seigneur, Adonaï, le Messie attendu et promis, le Prince de la Vie. L’Espoir, l’Étoile du matin.

L’avenir

Le Judaïsme était initialement une relation personnelle avec l’Éternel, se révélant comme le Père d’Israël, puis est devenu un système qui a rejeté le Fils et l’a tué. De même, le Christianisme est lui aussi proposé comme une relation (avec le Fils), encore plus intime puisque Dieu répand son Esprit sur toute chair qui se repent. Mais il deviendra lui aussi un système (comme l’Histoire passée en est hélas le témoin) qui apostasiera (2 Thes. 2/3) car toutes choses sous l’emprise terrestre sont gagnées par la corruption spirituelle et par la mort.

Néanmoins, le but de Dieu aujourd’hui est toujours le même : établir une relation personnelle, par Christ. Le sens de l’importance de l’œuvre de Christ, sacrifice saint et parfait qui remplaçait les sacrifices de propitiation, peut difficilement être compris par les différentes cultures modernes, sauf au prix d’un effort conséquent. Cette annonce avait beaucoup de puissance à l’époque des Actes parce qu’elle venait s’imposer dans un paysage religieux au milieu duquel elle faisait sens. Mais aujourd’hui, la contextualisation est presqu’impossible, c’est pourquoi l’évangélisation moderne est présentée sur d’autres bases (l’amitié avec Jésus, l’amour de Dieu, la guérison des maladies, la paix, la bénédiction, une vie meilleure), ce qui édulcore gravement le sens initial. Malgré tout, l’œuvre de rachat continue de déployer ses effets, et Dieu restaure encore des cœurs. Partout où le sens du péché est compris, et où les âmes cherchent la délivrance, sont assoiffées et fatiguées, Dieu répond et sauve encore. Le SEIGNEUR est vivant et Il cherche des perdus à sauver. Parce qu’il faut être perdu pour être sauvé.

 


Notes et références

[1] 2 Corinthiens 4/3 : «Si notre Evangile est encore voilé, il est voilé pour ceux qui périssent; pour les incrédules dont le dieu de ce siècle a aveuglé l’intelligence, afin qu’ils ne vissent pas briller la splendeur de l’Evangile de la gloire de Christ, qui est l’image de Dieu». 5Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes; c’est Jésus-Christ le Seigneur que nous prêchons»

[2] Adonaï (Hébreu : אֲדֹנָי), «Mon/Mes Seigneur», est la forme « plurielle » de « Seigneur », bien que syntacticalement singulier (cf. le pluriel d’Elohim). La forme singulière, «Adoni» (« mon seigneur »), n’est jamais utilisée dans la Bible pour se référer à Dieu. Au lieu de prononcer le tétragramme YHVH, pendant les prières, les Juifs disaient «Adonaï». Ce mot peut néanmoins être remplacé par d’autres mots, par exemple « HaShem » (« le Nom »), de peur de mal utiliser la puissance du nom de Dieu. En français, « D.ieu » est aussi un substitut courant.

[3] Tiré de Deutéronome 6:4 «Ecoute, Israël! l’Eternel, notre Dieu, est le seul Eternel».

[4] Jacques 1/1, Romains 1/1, 2 Pierre 1/1, Jude 1/1

[5] 1 Jean 2/20 : «Pour vous, vous avez reçu l’onction de la part de celui qui est saint, et vous avez tous de la connaissance» et 1 Jean 2/27 : «Pour vous, l’onction que vous avez reçue de lui demeure en vous, et vous n’avez pas besoin qu’on vous enseigne; mais comme son onction vous enseigne toutes choses, et qu’elle est véritable et qu’elle n’est point un mensonge, demeurez en lui selon les enseignements qu’elle vous a donnés.»

Leave a reply:

Your email address will not be published.

Site Footer