«Devant Dieu, le christianisme pratiqué en Allemagne (durant la guerre) est plus répréhensible que le National-Socialisme, les SS et la Gestapo». Telle était la déclaration de Martin Niemöller lors d’une conférence en Suisse en 1946.
Hitler prit le pouvoir dans un pays qui avait de profondes racines chrétiennes. Les gens de son époque adhéraient pour la plupart à des valeurs sociales et individuelles fondées sur la Bible. Pourtant ces valeurs n’ont pas pu empêcher l’établissement d’un régime qui a fini par les abolir. Pourquoi cet échec ? Est-il possible que ce même phénomène se reproduise dans l’Europe du 21è siècle ? Comment l’Église de Dieu peut-elle être aujourd’hui le sel qui limitera la puissance de corruption dans nos pays ?
Malgré les différences entre nos églises et celles du temps du nazisme, les chrétiens aujourd’hui courent toujours le risque de dissimuler la Croix de Christ sous le drapeau étranger. Car nous avons quelque peu perdu notre confiance dans l’Évangile, «la puissance de Dieu pour le Salut de quiconque croit» (Romains 1/16). Luther nous a rappelé que la communauté constituée par l’Église a besoin de se renouveler continuellement, de s’examiner régulièrement pour savoir si elle reste fidèle au mandat de Christ. Je crois que nous devons prier non seulement pour un réveil, mais aussi pour une réforme qui puisse restaurer notre confiance dans le message de la Croix de Christ.
Heinrich Heine considérait que seule la Croix de Christ était capable de réfréner les forces incontrôlée qui agitaient l’Allemagne et qui ont fini par terroriser toute la terre. Or nous pouvons voir ces mêmes forces à l’œuvre aujourd’hui : montée de la criminalité, effondrement des mœurs et destruction de la famille.
Mais pour lutter contre ces périls, nous pouvons facilement oublier que la puissance de Dieu se manifeste surtout au travers de la prédication de la Croix. Se peut-il que notre recherche de solutions sociales et politiques révèle parfois une perte de confiance dans la puissance de l’Évangile pour transformer le cœur de l’homme ? Sommes-nous réellement convaincus que la Croix est l’élément essentiel de notre message au monde, supérieur à tout autre service que nous pourrions rendre ?
De nos jours, la société et les institutions manifestent une hostilité grandissante envers le christianisme. Elles rejettent avec un certain cynisme les principes bibliques qu’elles estiment démodés et inutiles. Dans un désir de cultiver la faveur de ses proches, le chrétien est peut-être tenté de s’engager dans des activités certes louables mais qui supplantent sa mission principale, à savoir : annoncer la Croix de Christ.
Quelle est au juste l’importance de la Croix ? Doit-on la considérer comme un symbole dépourvu de signification pour l’homme moderne ? Or, la crucifixion de Jésus-Christ est sans conteste le fondement de la foi chrétienne. Ôter la Croix, c’est annihiler le christianisme, le priver de sa puissance[1].
UN DOUBLE DANGER
En ce moment critique de l’Histoire, les chrétiens s’exposent à un double danger. Ils peuvent d’une part se retirer des batailles culturelles et spirituelles sous prétexte de rester fidèle à la suprématie de la Croix. Cette optique renvoie l’Église à sa mission principale, l’annonce de l’Évangile. Mais elle échoue parce que les chrétiens finissent par se prêcher à eux-mêmes.
Trop souvent nos communautés chrétiennes agissent comme des châteaux assiégés. Les membres, par crainte des affiliations «mondaines», se retirent de toute activité sociale ou séculière. Ils estiment que le chrétien devrait se consacrer entièrement aux «choses spirituelles». Celui qui participe à des activités extérieures à cette sphère s’attacherait trop à ce qui est passager et charnel. Les chrétiens ayant cette perspective ont raison d’encourager une vie spirituelle centrée sur Jésus-Christ, mais ils ont tort de croire que cette vie peut être vécue à l’écart de notre culture et de nos institutions. C’est l’erreur du mouvement monastique au sein du christianisme. La Croix devient ainsi le point de repère des fidèles, mais reste inconnue du monde.
D’autre part, et dans une démarche inverse, les chrétiens deviennent si absorbés par les activités et les œuvres qu’ils n’ont plus le temps ni la motivation suffisante pour faire connaître le message de la Croix. L’histoire de l’Église révèle de nombreux exemples d’églises qui ont modifié et sacrifié l’Évangile pour l’aligner sur les tendances politiques, sociales, culturelles de leur milieu. Quand cela arrive, les chrétiens ont bien un contact avec la société, mais la Croix reste inconnue. De nouveau elle est cachée.
Jacques Ellul, dans son livre «La subversion du christianisme», écrit : «chaque génération croit avoir découvert enfin la vérité, la clé, le nœud essentiel du christianisme en se plaquant, se modelant sur l’influence dominante. Le christianisme devient alors une bouteille vide que les cultures successives remplissent de n’importe quoi».
Malheureusement, la bouteille du christianisme a été remplie de beaucoup de dogmes au travers des siècles. Très tôt dans l’Histoire, la Croix fut obscurcie par les rites sacramentaux, censés pouvoir procurer le Salut à celui qui les pratiquait. Le Salut n’était plus une relation personnelle avec Dieu, mais il s’assimilait à un engagement dans la structure ecclésiastique. On vidait la bouteille pour la remplir d’une liturgie qui ne pouvait jamais amener une âme à Dieu. La Croix devint une décoration, et non plus une puissance de transformation du cœur.
Le 18e siècle vit la montée du rationalisme et de l’humanisme, fruits de la Renaissance. Il fallait alors que la religion s’accorde à la Raison, et qu’on élimine toute idée qui ne semble pas raisonnable. Ainsi, on ne pouvait plus croire aux miracles de la Bible. Les Unitariens maintenaient que Dieu était trop bon pour envoyer les hommes en enfer, et les Universalistes croyaient que l’homme était trop bon pour y être envoyé. La Croix devint le symbole d’un amour sentimental, et non pas le supplice que Christ subit pour réconcilier les hommes avec Dieu.
Aujourd’hui, on remplit parfois la bouteille du christianisme avec la psychologie. Freud et ses successeurs ont éliminé le besoin d’une conversion à Christ. La psychologie moderne ne voit pas l’homme comme un être déchu. Puisqu’il n’est pas tombé, il n’a pas besoin d’être relevé — en tous cas, pas par Dieu. Pour être sauvé, il suffit d’avoir une saine image de soi. La Croix devient un symbole du conflit intérieur, du besoin de réconciliation avec soi-même.
Le Nouvel Âge, avec ses tentatives de syncrétisme — mélange de christianisme, de religions orientales, et d’occultisme — ignore en grande partie la Croix. Au mieux, elle serait un symbole de la connaissance de soi, le rappel d’un nécessaire contact avec le monde invisible. Dans cette perspective, la Croix n’est pas une expression de l’humiliation, mais de l’exaltation de l’homme.
Le chrétien et l’engagement politique
Dans certains pays, comme les États-Unis, des activistes politiques ont rempli la bouteille chrétienne de stratégies réformistes. Le christianisme devient alors un outil pour élire des membres du parti Conservateur à des postes influents au niveau national ou local. Mais lorsque les hommes entourent la Croix d’un drapeau, ils modifient radicalement son message. La Croix n’est pas un point de ralliement autour de tel ou tel projet politique ; elle est l’endroit où Dieu est réconcilié avec l’individu qui croit.
Le chrétien se doit d’être un bon citoyen, et a son mot à dire dans une démocratie. Il doit lutter contre le mal et promouvoir le bien autour de lui. Pourtant, il reconnaît que c’est Dieu qui sauve, plutôt que les élus politiques. Et Dieu agit surtout par le message de la Croix.
L’apôtre Paul écrivit aux Corinthiens : «Je n’ai pas eu la pensée de savoir parmi vous autre chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié» (1 Corinthiens 2/2). Pour que la Croix soit efficace, il faut l’extraire de tout emballage religieux, philiosophique ou politique. La Croix de Luther a le pouvoir de sauver les pécheurs qui s’humilient devant elle (et qui acceptent son jugement sur l’homme).
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Nous devons encourager tout mouvement qui cherche le bien de notre société, mais ne soyons pas naïfs au point d’espérer que les seules actions sociales produirons la transformation de notre monde. Seule la lumière peut faire reculer les ténèbres, et cette lumière vient parler de la grâce de Dieu. N’oublions jamais que le plus grand besoin de notre monde est de connaître Jésus-Christ, et de comprendre pourquoi lui seul est capable de nous réconcilier avec Dieu.
Même si nous avons l’occasion de nous engager dans des activités culturelles et politiques, nous devons toujours nous rappeler que nous sommes avant tout les ambassadeurs du Christ. En effet, à quoi servent des victoires politiques et sociales, si ceux qui nous entourent restent séparés de Dieu parce qu’ils n’ont pas été présentés au Sauveur du monde ? Certes, il ne s’agit pas de faire un sermon chaque fois que nous participons à un conseil de parents d’élèves ou que nous aidons dans un Resto du Cœur. Mais notre vie doit être telle que les gens voient nos bonnes œuvres et glorifient notre Père céleste (Matthieu 5. 16). Cela présuppose une conduite sans reproche, et un partage crédible et clair de la bonne nouvelle.
Notre priorité doit toujours correspondre à celle de Dieu, à savoir le salut éternel de nos concitoyens par la connaissance de Jésus-Christ crucifié et ressuscité. L’annonce de la Croix de Christ est plus importante que toute autre lutte que nous pouvons mener dans notre monde. Il est toujours difficile de savoir ou investir notre énergie et nos biens, car les causes importantes ne manquent pas. Mais nous devons nous rappeler que Dieu nous a laissé sur cette terre pour apporter le salut aux hommes, et non pour sauver notre société.
Nous prions que Dieu envoie un réveil, sachant que seule la puissance de la Croix pourra amener de véritables changements moraux. L’influence évangélique dans le gouvernement peut être une bonne chose, mais il ne portera jamais que des changements superficiels. Que le chrétien soit avocat, législateur ou un activiste en lutte contre l’avortement, il doit considérer sa vocation comme un appel à témoigner de la grâce de Dieu et du salut en Jésus-Christ.
Extrait du livre «La croix d’Hitler» de Erwin W. Lutzer. Première édition par Moody Press, 1995. Traduction française en 2003 par les Éditions CLE. Erwin W. Lutzer (Th. M., Dallas Theological Seminary, E.U., M.A., Loyola University, E.U., L.L.D., Simon Greenleaf School of Law), est pasteur de l’Église de Moody à Chicago, E.U. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, en particulier du best-seller Une minute après la mort. Il est marié et père de trois enfants.
Résumé du livre
Chacun connaît le pouvoir extraordinaire qui permit à Adolf Hitler d’hypnotiser une nation entière. Mais une question reste sans réponse : Où était l’Église de Christ ? Séduits par la majesté satanique du Führer, les dirigeants de l’Église donnèrent à la croix gammée une place de choix dans leurs églises au côté de la croix chrétienne. L’orgueil nationaliste prit le pas sur l’appel de Dieu à la pureté, et, sauf dans certains cas exceptionnels, l’Église détourna les yeux lorsqu’Adolf Hitler appliqua « la solution finale » à son antisémitisme.
Comment cela a-t-il pu arriver ?
Dans cet ouvrage, l’auteur propose une liste des leçons qui peuvent être tirées de l’étude de l’opération de séduction dont l’Église fut la victime consentante :
- Les dangers d’une confusion entre État et Église
- Comment l’Église oublia ses objectifs
- Le rôle de Dieu dans les tragédies de l’humanité
- Les paramètres de la liberté de Satan
- La vérité derrière la haine d’Hitler pour les Juifs
- La fidélité de Dieu envers ceux qui souffrent pour Lui
- Les comparaisons entre l’avènement d’Hitler et le règne à venir de l’Antéchrist
La croix d’Hitler raconte l’histoire d’une nation dont l’Église oublia sa vocation originelle, et découvrit trop tard son échec. Préface de Ravi Zacharias.
Notes
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[1] 2 Timothée 3/1 à 5 : «Sache que, dans les derniers jours, il y aura des temps difficiles. Car les hommes seront égoïstes, amis de l’argent, fanfarons, hautains, blasphémateurs, rebelles à leurs parents, ingrats, irréligieux, insensibles, déloyaux, calomniateurs, intempérants, cruels, ennemis des gens de bien, traîtres, emportés, enflés d’orgueil, aimant le plaisir plus que Dieu, ayant l’apparence de la piété, mais reniant ce qui en fait la force. Eloigne-toi de ces hommes-là.»
[2] Robert G. Waite, Adolph Hitler : The Psychopatic God, p. 317