D’après la dernière communication de la Maison Blanche, à la date du 24 juillet 2020, les États Unis compteraient 14 millions de personnes contaminées et plus de 140’000 morts, dûs à la pandémie Covid19. Le taux de létalité serait donc de 10%, alors qu’il est de 19% en France et de 16% en Belgique. De quoi faire passer l’administration Trump pour un bon élève au milieu des autres nations atteintes.

Mais il est permis de douter de cette présentation, à 100 jours des élections, indépendamment du fait que chaque nation utilise des critères de calculs différents.

Comparaison troublante

Mais le plus important n’est pas là et semble avoir échappé aux commentateurs : dans le point presse du Président Trump, une double carte a été présentée (original ici) pour permettre de localiser les points de contamination les plus importants, avec la densité des cas déclarés. Grâce à un montage par nos soins, nous avons remplacé une des deux cartes (à droite) par la localisation de la fameuse « bible belt » américaine qui illustre l’implantation chrétienne évangélique aux US. C’est plutôt troublant, et renvoie évidemment à l’attitude adoptée par nombre de pasteurs qui ont écouté le message de déni de leur président, et ont refusé de se plier aux règles du confinement, en Floride, en Californie, en Virginie, etc.

Un témoignage inégal

Une des leçons de cette crise, c’est que dans bien des endroits (et pas seulement aux US), le témoignage chrétien s’est positivement renforcé parce que l’église a cherché à soutenir les personnes en difficulté, tout en respectant scrupuleusement les règles sanitaires édictées pour le bien commun. Ce qui est la moindre des choses, en matière de respect des autorités.

Mais dans d’autres endroits, malheureusement parfois très médiatisés, des pasteurs se sont ridiculisés, soit en niant la réalité de la pandémie, soit en prenant des positions « spirituelles » qui se sont révélées être de simples postures publiques.

Ces contre-témoignages ne vont pas dans le sens d’une amélioration de la perception et de la compréhension du christianisme, chère à Mike Bickle et d’autres. Plutôt le genre de choses qui fait plus de tort à l’Église que la persécution. On comprend pourquoi Paul expliquait aux Romains, il y a 2000 ans, que leur inconduite provoquerait de nouveaux blasphèmes du nom de Dieu.

Les racines de l’erreur : le dominionisme

Pour finir, nous avons ici une démonstration de ce que j’ai dénoncé dans mes articles contre certains aspects véhiculés dans la Nouvelle Réforme Apostolique (NAR, en anglais), dont un des piliers s’appelle « l’eschatologie victorieuse » (du nom de l’ouvrage de Eberle et Trench). Le livre présente « une vision du futur biblique et optimiste… Satan ne va pas conquérir le monde, mais c’est le Jésus Christ est Seigneur qui doit le faire par son corps qui est l’Église ». L’eschatologie victorieuse croit que le royaume de Dieu grandira et progressera jusqu’à remplir la terre. L’Église se lèvera dans l’unité, la maturité et la gloire avant le retour de Jésus. Aucune perspective négative à venir, car Satan est vaincu et déjà lié.

Les auteurs sont des pasteurs itinérants et enseignants impliqués dans la NRA, qui englobe des chrétiens sincères et aussi tout une composante hypercharismatique. L’eschatologie victorieuse — la compréhension prophétique de la fin des temps — est un fondement de la pensée dominioniste (appelée Kingdom Now) qui anime les arrière-pensées de ceux qui conseillent le président Trump (plus de la moitié du Conseil Consultatif de la Maison Blanche est constitué d’évangéliques néocharismatiques). C’est encore une preuve que ce que nous croyons va façonner notre jugement : l’eschatologie victorieuse a parasité la vision chrétienne des dominionistes et provoqué un déni de réalité, une grande suffisance (orgueil) qui ne donnent pas envie de s’identifier à ce christianisme qui se croit arrivé, et dont l’humiliation est devenue nécessaire à son salut.

JérômePrekel07/20©www.lesarment.com