Au début des années 1860, Charles Spurgeon entrevoyait une grande prospérité pour l’avenir des Baptistes en Angleterre. Il déclara que leur zèle et la bénédiction exceptionnelle dont ils bénéficiaient alors doublerait leur nombre sans aucun doute au cours des 10 années suivantes. Il alla même jusqu’à suggérer qu’ils puissent un jour devenir la dénomination principale du pays.
À cette époque-là il n’y avait pas que les Baptistes à être spécialement actifs, mais on voyait beaucoup de zèle fleurir aussi chez d’autres chrétiens.
Le réveil qui a eu lieu en 1859 se caractérisait par des efforts d’évangélisation considérables dans d’autres dénominations. Toutes faisaient preuve d’une ferveur nouvelle et voyaient de nombreuses conversions.
Attaques contre la vérité
Les perspectives étaient particulièrement brillantes et il eut été heureux qu’elles le restent. Cependant, travaillaient au même moment contre le christianisme, des forces d’une nature entièrement opposée et d’une grande virulence.
Cette opposition à la vérité évangélique jaillit tout d’abord en résultat de la publication, en 1859, de « l’origine des espèces » de Darwin. Cette enseignement selon lequel la vie tenait son origine d’un hasard aveugle plutôt que d’une création divine, contredisait catégoriquement les Écritures et réfutaient l’idée même de l’existence de Dieu.
En second lieu, ceux que la critique allemande avait influencés minaient les fondations de la foi chrétienne par ce qu’on a appelé « la haute critique ».
Il s’agissait d’une tentative de remise en question des sources des livres de la Bible qui apportait de nouvelles idées quant à l’identité des écrivains et la date de leurs écrits. Une telle dissection conduisait à renier au nom de la raison les miracles de la Bible est à réduire la Parole inspirée à un livre purement humain.
De nombreuses universités enseignèrent cette nouvelle conception. Au cours des années 60, certaines facultés théologiques l’accueillirent favorablement. Enfin, dans les années 70, elle résonna en de nombreuses prédications. Certains hommes s’estimaient courageux en niant les vérités que leurs pères avaient crues et en s’opposant à des idées qu’ils considéraient n’être plus que de vieux mythes. Ils appelèrent leurs enseignement « la nouvelle théologie » ou « nouvelle pensée », et déclarèrent qu’ils conduisaient le peuple hors de l’esclavage vers la liberté.
Vers 1880, ce changement ainsi introduit dans les croyances chrétiennes ébranlait une grande partie de l’Angleterre. La presse, tant séculière que religieuse, propageait les nouvelles idées et plusieurs livres parurent pour les soutenir. Un certain nombre d’hommes très écoutés défendaient la théorie évolutionniste. Plusieurs pasteurs s’en faisaient aussi les défenseurs, tout comme ils appuyaient les revendications de « la haute critique ». Ce reniement des fondements du christianisme se manifestait dans toutes les dénominations, y compris chez certains hommes de la fédération Baptiste.
Résistance de Spurgeon
L’attitude de Spurgeon, par rapport à cette situation, fut immédiatement celle d’une opposition active. Depuis le début de son ministère, il avait (surtout) rencontré l’incrédulité et élevé sa voix contre elle. Mais maintenant les choses empiraient et, quoique souvent en mauvaise santé, il se décida néanmoins à prendre clairement position en faveur des Écritures et à faire tout son possible pour réfuter les enseignements de cette « nouvelle théologie ».
Plusieurs personnes, à travers la Grande-Bretagne, écrirent à Spurgeon pour lui citer le cas de pasteurs baptistes qui abandonnaient la foi dans leur région. De plus le docteur Booth, secrétaire de la fédération, le rencontra est correspondit avec lui, lui fournissant les noms et déclarations de certains des membres qui ne croyaient plus dans les principes fondamentaux de la foi. Booth lui demanda comment, à son avis, on pouvait affronter au mieux une telle situation.
Spurgeon répondit à Booth et aux officiels de la Fédération en affirmant que celle-ci devait afficher sa position sans ambiguïté. Il évoqua l’urgence d’adopter une déclaration de foi qui énoncerait clairement la position évangélique et dont l’acceptation conditionnerait l’appartenance d’une église ou d’un individu à la Fédération.
La sincérité des efforts de Spurgeon pour pousser la Fédération à agir apparaît clairement à travers nombre de ses déclarations. Il parla, par exemple, « des protestations que j’ai faites en privé aux officiels et de mes appels répétés à l’organisme tout entier. J’ai parlé maintes et maintes fois au secrétaire à ce sujet, comme il l’admettra bien volontiers. »
La dégringolade
« À chaque occasion, les uns et les autres ont entendu mes plaintes jusqu’à en être lassés je le crains. J’ai aussi entretenu avec d’autres un courrier considérable ».
Mais la requête de Spurgeon de faire adopter à la Fédération une déclaration de foi fut repoussée. Au cours d’une assemblée, on vota contre cette proposition, prétextant que les Baptistes avaient toujours privilégié la liberté de chacun d’affirmer sa croyance à sa façon, et que, tant qu’une personne acceptait la doctrine du baptême par immersion, cela suffisait.
De plus en plus conscient de ce que l’incrédulité gagnait rapidement, et sachant qu’il ne pouvait s’attendre à aucune action de la part de la Fédération, Spurgeon se mit au combat lui-même. Il publia dans sa revue un article intitulé : « La dégringolade », commençant par cette déclaration :
« Quiconque aime l’Évangile ne pourra se dissimuler le fait que les jours sont mauvais.
Pourtant, nous avons la conviction solennelle que la situation dans beaucoup d’églises dépasse de beaucoup ce qu’on peut imaginer et qu’on se trouve en pleine dégringolade. Lisez ces journaux qui représentent cette école de « la nouvelle théologie » et demandez-vous : jusqu’où vont-ils aller ? Quelle doctrine reste-t-il à abandonner ? Quelle autre vérité vont-ils encore traîner dans la boue ? Une autre religion est née, qui diffère du christianisme autant que l’eau du vin. Dénuée de toute honnêteté morale, elle se présente comme la foi chrétienne historique « légèrement améliorée » et, sous ce déguisement, elle usurpe des chaires qui furent construites pour la prédication de l’Évangile. On repousse la rédemption avec mépris ; on tourne l’inspiration de l’Écriture en dérision ; on abaisse le Saint Esprit au simple rang d’influence ; le châtiment du péché devient fiction et la résurrection un mythe antique. Et pourtant, ces ennemis de notre foi s’attendent à ce que nous les appelions frères, que nous restions unis ! »
Fausseté doctrinale et déclin spirituel
« Avec la fausseté doctrinale vient un déclin naturel de la vie spirituelle qu’on voit dans un goût pour les amusements douteux et la désertion des réunions de prière. Les églises sont-elles en bonne santé lorsqu’elles n’ont plus qu’une réunion de prières squelettique par semaine ? En fait, beaucoup voudraient marier l’Église et le théâtre, les jeux et la prière, la danse et les cultes. Quand la foi ancienne disparaît et que l’enthousiasme pour l’Évangile s’éteint, il n’y a pas à s’étonner que les gens cherchent d’autres délices ».
Spurgeon poursuivit, par des mots de cette nature, sa description de l’apostasie prévalant et de la mort spirituelle qu’elle provoquait dans un grand nombre d’église. Il exprima sa tristesse profonde devant cette situation. Sa déclaration revêt autant d’importance pour aujourd’hui qu’à son époque :
« Il incombe aujourd’hui aux croyants de faire preuve de prudence afin de ne pas donner leur soutien et leurs encouragements à ceux qui trahissent le Seigneur.
Que chaque croyant juge pour lui-même. Pour ma part nous avons renforcé notre porte et mis des verrous supplémentaires. Car sous couleur de mendier l’amitié du serviteur, il y en a qui visent à dérober le Maître ».
Cet article provoqua une profonde commotion parmi les Baptistes britanniques.
Extrait de « Charles Spurgeon, une biographie » éditions Exelcis
3 comments On La dégringolade
Vous pouvez ajouter qu’il en est de même aujourd’hui, lorsqu’on voit des « leaders respectables » refuser de mettre en garde contre les dérives, sous prétexte que cela créerait des divisions… (or Paul dit en 1 Cor 11:19 que les divisions sont salutaires).
Je ne compte plus le nombre de mes connaissances qui tombent dans des pseudo-vérités – en les écoutant on n’a qu’une envie: s’éloigner de leur dénomination qui laisse circuler ces absurdités.
Michel,
On peut penser que tout le monde n’a pas la même perception des risques, et que beaucoup de leaders respectables comptent sur le temps pour effacer les problèmes. Ce n’est pas forcément de la négligence, et ce n’est pas non plus forcément intentionnel. Il n’en reste pas moins que le mal se fait, et que des semences sont semées dans les esprits, qui vont germer et pousser pour devenir des arbres qui vont porter des fruits.
C’est la raison pour laquelle j’ai voulu publier ce témoignage de Charles Spurgeon, et je recommande chaudement la lecture de la biographie en entier, c’est une perle. La passion qui était la sienne pour les Écritures et la profondeur de sa relation avec le Seigneur ne lui ont pas permis d’attendre que « le temps efface les problèmes »… Il lui a fallu prendre position, et j’aime à penser que ce n’est pas Dieu qui lui a demandé.
Cette phrase est lourde de sens. Elle renvoie à l’implication de Néhémie, dont toute la narration est curieusement exempte de la Parole de Dieu en tant qu’appel : il va accomplir un segment indispensable de la volonté de Dieu, il va apporter quelque chose d’unique, alors que le texte est silencieux sur son mandat. Dieu ne semble pas lui avoir parlé, comme pourtant d’autres sont envoyés avec un mandat divin. On pourrait penser que ça signifie que notre appel prend sa source dans Esaïe 6/8, lorsque le prophète entend la voix qui dit : « qui enverrai-je, qui parlera pour nous ?» je crois qu’il est possible que cette voix et cet appel soit continus et constants, dans le ciel de l’Histoire, et que vous et moi, nous pouvons aussi en saisir l’écho. Et nous lever, là où personne ne pense que c’est utile. Là où tout le monde pense que ça ne sert à rien et que c’est voué à l’échec. Là où même nous, nous ne sommes pas absolument sûrs. J’en suis là, personnellement, dans ma conviction profonde de devoir prendre position contre toutes les formes de complotisme.
Oui mais! Enfin il aurait été plus inspiré de ne pas s’opposer aux « Frères ». Nolens volens