Si nous admettons l’existence d’un Dieu créateur qui est un Dieu de bien, comment pouvons-nous expliquer l’existence du mal, et comment pouvons-nous justifier son origine ? Il s’agit là d’une des grandes questions de la vie, que peut indifféremment se poser l’enfant de Dieu ou l’incroyant, si l’on en juge par l’abondante littérature philosophique sur le sujet.
La première allusion au mal apparaît dans la Bible dès le commencement, dans le livre de la Genèse (2:9) : «Et l’Eternel Dieu fit croître du sol tout arbre agréable à voir et bon à manger, et l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du MAL». Nous pouvons noter d’emblée que l’arbre qui nous intéresse ici n’est pas appelé «arbre du mal», mais «de la connaissance du bien et du mal». Rien ne permet donc de supposer que Dieu ait créé le mal, ce monde d’obscurité, puisqu’au contraire les Ecritures nous disent qu’en Dieu «il n’y a aucune ténèbres» (1 Jean 1:5), et qu’ «Il ne peut être tenté par le mal» (Jacques 1:13).
Il n’en est pas moins vrai que la présence de cet arbre au commencement des choses est le constat divin d’un fait : l’existence effective du principe du mal, et ce, avant même qu’aucun homme n’enfreigne l’autorité de Dieu.
Si nous voulons essayer de répondre à la question posée en titre, il nous faudrait donc remonter plus avant, mais comment ? La Bible contient-elle des révélations cachées, antérieures aux textes de la création, et délivrées à posteriori par la voie prophétique ?
Nous pouvons effectivement dégager certaines déclarations bibliques qui nous aideront à obtenir quelques éléments de réponse.
Lorsque nous lisons par exemple que «Dieu est lumière, et qu’il n’y a en Lui point de ténèbres», nous comprenons qu’il est impossible que le mal provienne de Lui, qu’il ne s’est pas trouvé en Lui comme un ferment communiqué à la création. Mais alors d’où vient-il ?
Avant que le monde soit créé, lorsque tout était «informe et vide» (Genèse 1:2), Dieu était entouré d’êtres célestes, anges, archanges et chérubins. Nous en avons des allusions dans le livre de Job (38/7).
Au milieu de ces hôtes du ciel, êtres parfaits, se trouvait un ange particulier, parfait lui aussi, et dont le prophète Ezéchiel donne une description assez précise (dans le ch.28 «Tu étais un chérubin oint, qui couvrait, et je t’avais établi [tel]; tu étais dans la sainte montagne de Dieu, tu marchais parmi les pierres de feu. Tu fus parfait dans tes voies depuis le jour où tu fus créé, jusqu’à ce que l’iniquité s’est trouvée en toi» [v. 14 et 15]).
C’est donc en lui que l’iniquité s’est trouvée en premier.
Comment un être parfait a-t-il pu concevoir et abriter le commencement d’un antagonisme divin ? Que s’est-il passé entre le moment de sa création en perfection, et celui où l’iniquité est apparue en lui ?
Nous sommes ici au centre de notre interrogation sur l’origine du mal.
Car nous ne pouvons trouver d’autre point de départ que celui-ci, puisque nous avons accepté le postulat qu’en Dieu il n’y a pas de ténèbres et que nous admettons qu’hors Dieu rien n’existe; il devient donc évident que le mal ne peut pas être un élément extérieur qui est venu polluer la création, mais qu’il est plutôt le résultat d’un processus qui aboutit à la naissance de l’iniquité, et ce au coeur-même d’un être céleste, en qui Dieu avait pourtant placé de grandes choses.
«Ainsi dit le Seigneur, l’Eternel: Toi, tu étais la forme accomplie de la perfection, plein de sagesse, et parfait en beauté; tu as été en Eden, le jardin de Dieu …ton intérieur a été rempli de violence, et tu as péché; et je t’ai précipité de la montagne de Dieu comme une chose profane.» (Ézéchiel 28:12-16-17).
Affirmer que le mal est l’aboutissement d’un processus, c’est bien confirmer que le mal n’a pas eu d’existence propre – n’a pas été créé – mais que les éléments pouvant contribuer à sa naissance, son apparition, ont effectivement coexisté.
Pour cet ange dont il est parlé ici et que le prophète Esaïe (14:12) appelle «Lucifer» [qui signifie astre brillant], nous comprenons que l’iniquité s’est trouvée en lui parce que «son coeur s’est élevé à cause de sa beauté», provoquant «la corruption de sa sagesse, à cause de sa splendeur» (Ez. 28:17). La beauté dont il est fait mention ici est davantage un ensemble spirituel qu’un simple aspect extérieur.
Un projet s’est formé ensuite dans son coeur, celui de devenir lui-même «Dieu»: «je monterai aux cieux, j’élèverai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu … je serai semblable au Très-haut» (Es. 14:14).
Au regard de ces révélations, force est de constater que dans la création céleste, Dieu a prévu de laisser aux anges un espace de liberté tel qu’ils ont le pouvoir de décider de se séparer de Lui et de Ses pensées, ou bien de Lui obéir, comme le confirme 2 Pierre 2:4:
«Car, Dieu n’a pas épargné les anges qui ont péché, mais, les ayant précipités dans l’abîme, les a livrés pour être gardés dans des chaînes d’obscurité pour le jugement …».
Cette déclaration extraordinaire confirme ce pouvoir de dire non, de refuser, de préférer – en un mot de choisir son propre chemin. Lucifer a choisi, et d’autres ont été entraînés dans sa révolte avec lui, et une sphère de ténèbres est venue à l’existence.
Ces réflexions et ces constats induisent que Dieu ne trouve aucun plaisir à régner sur un monde programmé, mais qu’Il favorise le libre-arbitre de toutes les créatures pensantes (Ps. 8:5), escomptant qu’elles choisiront le bon côté, celui de la lumière.
Et si les anges ont la faculté de choisir la cause qu’ils souhaitent servir, cela sous-entend qu’ils ont à affronter certaines tentations, notamment celle à laquelle Satan céda «dans son coeur».
Paradoxalement, tout cela est en fait la traduction de l’amour de Dieu et de Son infini respect pour la vie, pour la personnalité qui existe devant Lui, puisqu’Il accorde à chacun le pouvoir et le droit de Lui dire : «non, je ne veux pas ce que tu veux; je prends ma liberté».
Dieu crée des êtres, mais ne veut pas de servilité. Il entend que ceux qui sont près de Lui agissent sur la base de l’amour, et non par une quelconque contrainte. Il n’est pas un Dieu qui asservit, c’est pourquoi même les anges doivent avoir en eux la possibilité de développer une autre pensée que la Sienne, (un autre système de pensées que le Sien), ou de Lui demeurer attachés par un choix personnel, par un désir authentique et sincère.
L’octroi admirable de cette liberté est devenu pour ceux qui en sont les bénéficiaires un moyen de perfection ou de chute, selon les choix réalisés, comportant le risque – pour Dieu – de voir la création être polluée par le mal (c’est-à dire le résultat d’une liberté qui Le rejette). Mais la naissance et le développement de l’amour véritable dans les coeurs est à ce prix.
En fait, nous le voyons bien, c’est l’exercice-même de la liberté qui fut la véritable cause de la naissance du mal, le premier ingrédient du processus qui enfanta l’orgueil, qui est un détournement de l’amour vers soi-même, créant un monde de rebellion obscur.
Il est intéressant de noter que les lois de la physique ont démontré que les ténèbres n’ont pas d’existence propre, contrairement à la lumière. Les ténèbres sont simplement constituées … de l’absence de lumière. De plus, la science s’est rendue compte grâce à des instruments de mesure de plus en plus sophistiqués que les ténèbres physiques sont continuellement sondées par la lumière, à cause de la présence des photons (particules véhiculant la lumière).
LE VRAI VISAGE DE L’INIQUITE
Il semble que le mal soit entré dans l’humanité par la porte de la désobéissance, ce qui a incliné ensuite le coeur de l’homme à se cacher de Dieu, puis à Lui mentir, puis à tuer. Mais en réalité, c’est l’orgueil qui est l’instigateur de la chute de l’homme, et qui l’a poussé à s’appuyer sur autre chose que la Parole de Dieu, et à chercher à devenir Dieu : «vous serez comme Dieu» (Gen. 3:5).
La religion nous a enseigné pêle-mêle qu’une «pomme» était à l’origine du mal, que «le sexe» en était la cause, et que «la femme» était responsable … en vérité, derrière cela se dissimule le vrai visage de la chute, c’est-à dire l’orgueil. Il est le moteur du mal, la racine de l’iniquité, qui pousse toujours dans la direction contraire de la crainte de l’Eternel.
Par le biais de la faillite de l’homme (Adam), le mal est entré non seulement dans la création – c’est pourquoi celle-ci «soupire après l’affranchissement de la servitude de la corruption» (Romains 8:22), mais dans la race humaine toute entière, puisque nous devons confesser avec Paul : «je ne fais pas le bien que je voudrais, et je fais le mal que je voudrais ne pas accomplir» (Romains 7:19).
Il n’existe pas de plus grand aveu d’impuissance à assumer sa nature, et il n’existe pas d’homme qui ne doive le reconnaître à un moment de son existence. Ce désarroi nous est commun, de la même manière que le sang qui coule dans nos veines est le même, quelle que soit la couleur de notre peau, notre rang social, ou notre culture.
Il n’était pas dans le plan de l’Eternel que les choses deviennent ainsi, et que la trajectoire de l’homme dévie à ce point de l’ambition divine pour lui.
Par l’apôtre Paul, nous apprenons que le plan du salut était dans le coeur de Dieu, dès avant la fondation du monde «selon qu’il nous a élus en lui avant la fondation du monde, pour que nous fussions saints et irréprochables devant lui en amour» (Éphésiens 1/4), prévoyant (et pourvoyant) du moyen de racheter une humanité perdue loin de Son créateur, loin de le Vérité et loin de la Vie, afin de le ramener dans son Eden originel, et le faire habiter pour toujours dans Sa présence (Matthieu 25:34).
Il fallait pour cela que Dieu Lui-Même se charge de la réconciliation (2 Cor. 5:18) en ôtant, par le sacrifice de l’Agneau, la faute d’Adam. En s’incarnant dans un homme et en allant jusqu’à la mort de la croix, c’est-à dire en devenant malédiction à notre place, Jésus a concentré sur lui les justes exigences de la sainteté et de la colère divine. Ce qui était impossible à réaliser par l’homme, même au travers de la Loi, Christ l’a accompli pour les fils de l’Homme. Jésus est appelé «le dernier Adam» (1 Cor. 15:45) « Le premier homme Adam devint une âme vivante », le dernier Adam, un esprit vivifiant parce qu’en Lui prend fin la malédiction, la séparation d’avec le mal: «Il nous a délivrés du pouvoir des ténèbres, et nous a transportés dans le royaume du Fils de son amour…» (Colossiens 1:13).
article de Jérôme Prekel/paru dans le n°29 du Sarment