Le fauteuil doré, le feu et la prière

« Lorsque le fondateur du Hassidisme, le Rabbin Chem Tov, avait une tâche difficile devant lui, ou voyait qu’un malheur se tramait contre le peuple de Dieu, il allait se recueillir à un certain endroit dans la forêt ; là, il allumait un feu, méditait en prière et recevait la réponse qu’il attendait ; ce qu’il avait décidé de réaliser devenait possible : le miracle s’accomplissait, le malheur était révoqué.
Une génération plus tard, lorsque son disciple le Rabbin de Mézéritch, devait intervenir auprès du Ciel pour les mêmes raisons, il se rendait au même endroit dans la forêt et disait : « Maître de l’univers, prête l’oreille. Je ne sais plus comment allumer le feu, mais je suis encore capable de dire la prière »
Et le miracle s’accomplissait encore une fois.
Dans la génération d’après, le Rabbin Moché de Sassov, pour sauver son peuple, allait lui aussi dans la forêt et disait : « je ne sais plus comment allumer le feu, je ne connais plus la prière, mais je me souviens de l’endroit, cela devrait suffire ».
Et cela était suffisant.
Puis ce fut le tour de Rabbi Israël de Tijine d’écarter la menace. Il s’asseyait dans son fauteuil doré au coeur de son château, se prenait la tête entre les mains et s’adressait à Dieu : « Maître du monde, je suis incapable d’allumer le feu, je ne connais pas la prière, je ne peux même plus retrouver l’endroit dans la forêt. Tout ce que je sais faire, c’est raconter cette histoire, cela devrait suffire ». Et là encore, le miracle s’accomplissait » (extrait des « grands courants de la mystique juive »).

Cette histoire est évocatrice de plusieurs principes spirituels et pourrait servir d’illustration de l’état des croyants de ce que la Bible appelle « la fin des temps ». Même si tous sont dépositaires du même héritage, il arrive un temps où la dilution du savoir, (mais surtout l’appauvrissement de la communion des disciples avec leur maître), se fait tellement sentir que tout l’enseignement de la foi et de ses fondements s’en trouve altéré.
Et le résultat étant ici que les croyants finissent « dans un château, assis sur un fauteuil doré », ne connaissant plus le chemin de la vraie foi.

Le prix de la foi donne une valeur à la foi

Nous n’avons jamais eu autant d’enseignement sur la foi qu’à notre époque. Les plus grands et authentiques héros de la foi de l’Histoire de l’Église ont laissé leur témoignage, mais nous n’avons pas pu l’assimiler, parce que la foi n’est pas un sujet, elle est une expérience.
En réalité, la vraie foi « s’achète » et c’est pourquoi son simple partage, ou son simple enseignement intellectuel, s’appauvrira inéluctablement, de génération en génération, si elle ne passe pas par le feu de l’épreuve personnelle – dans le sens de la confirmation. C’est exactement comme la réserve d’huile des vierges sages, qui NE PEUVENT partager avec les vierges folles, même si elles le voulaient : c’est tout simplement impossible. Parce que la foi qui coûte quelque chose est authentique et vivante, sinon elle n’a pas de valeur, et ce n’est donc pas de la foi. C’est une croyance ou simplement une posture. Et ce que coûte la foi, c’est ce que nous possédons souvent de plus précieux, ce qui nous est intime et personnel, c’est-à-dire notre propre vie, notre force, notre assurance, notre sécurité, nos appuis, en un mot : notre confiance, absolue, profonde, entière … c’est le sens de l’appel lancé à Laodicée : « Je te conseille d’acheter DE MOI de l’or passé par le feu » … (Apocalypse 3/18), l’or est ce qu’il y a de plus précieux sur la terre, mais avec quoi acheter de l’or ? et comment acheter cet or à Dieu Lui-Même ?(1 Pierre 1/7) Il faut réfléchir à ces questions.

La foi ancienne

C’est parce que les croyants du temps de la fin s’installent dans un fonctionnement religieux tiède qu’ils n’ont plus besoin de la foi. Et la conséquence est qu’elle n’est plus ressentie comme indispensable par les générations suivantes. On n’a alors plus besoin de donner sa vie pour Dieu, pour la Vérité, pour le témoignage, l’évangélisation : on fait simplement des appels financiers, on déverse des courants d’argent là où il y en a besoin, mais plus de courants d’or. Et cette Église devient tout naturellement focalisée sur les formes extérieures de la foi : un bon témoignage dans le monde son voisin, un lissage des messages radicaux, une mise en retrait des vérités absolutistes, la présentation d’un Dieu moins sévère, plus rassurant, de grands et beaux bâtiments qui, affirme-t-on, témoigneront de la faveur divine (2 Timothée 3/5).

Lorsque le Saint-Esprit de Dieu, l’Esprit de Christ, exhorte par l’apôtre Paul en disant :
« examinez-vous vous-mêmes, et voyez si vous êtes dans la foi; éprouvez-vous vous-mêmes. » (2 Corinthiens 13:5), il ne nous demande pas de vérifier si nous connaissons encore l’essentiel, comme dans l’histoire du rabbi de Tijine : « Maître du monde, je suis incapable d’allumer le feu, je ne connais pas la prière, je ne peux même plus retrouver l’endroit dans la forêt. Tout ce que je sais faire, c’est raconter cette histoire, cela devrait suffire ».

Car le Seigneur n’a pas donné sa vie pour que ses brebis survivent, mais qu’elles aient la vie en surabondance (Jean 10/10 v. Chouraqui). Alors quelle foi ? Examinez-vous vous-mêmes parce que personne ne le fera pour vous. Et voyez, regardez, constatez si vous êtes encore dans la foi. Non pas la foi que Dieu existe, car ce niveau de foi-là ne dépasse pas la croyance de démons : « Tu crois que Dieu est un; tu fais bien: les démons aussi croient, et ils frissonnent » (Jacques 2:19). Mais la foi dans laquelle nous devons nous trouver, c’est la foi des disciples, la foi de la première église, la doctrine des apôtres et la foi des apôtres. Chacun de nous est destiné à manifester cette foi parce que la Parole de Dieu ne change pas et que Dieu Lui-Même ne change pas. Ce sont ces témoins-là, de cette foi-là qui sont recherchés par le Père, et non les usagers de la religion, ou ceux qui sont finalement des artisans d’un grand marketing religieux.
C’est cette foi qui seule peut témoigner au monde que ses oeuvres sont mauvaises, qui seule permettra d’éviter la marque de la Bête, ou encore d’empêcher que nous transmettions une simple religion à nos enfants. Seule la Vie de Dieu est le témoin, et cette Vie de Dieu ne circule que par le canal de la foi.

« Ne reconnaissez-vous pas à l’égard de vous-mêmes que Jésus Christ est en vous? » dit Paul à la suite de son exhortation à nous examiner nous-mêmes, « à moins que vous ne soyez des réprouvés » (2 Corinthiens 13:5). Les «réprouvés» ne sont pas des bannis de l’Église, mais ils se sont eux-mêmes placés en marge de la sphère de la puissance de la Vie. On peut être un chrétien, un prédicateur ou même un roi sans que personne ne détecte la moindre réprobation divine « … voici, tu passes pour être vivant, et tu es mort » (Apocalypse 3/1).

Dans la Bible, dans la vraie foi, tout a quelque chose à voir avec la vie : « la parole de Dieu est vivante et opérante » (Hébreux 4:12), « notre espérance est vivante » (1 Pierre 1:3), « notre sacrifice est vivant » (Romains 12:1), nous sommes des «pierres vivantes» (1 Pierre 2/5) et « le chemin est vivant » (Hébreux 10:20) parce que « le Seigneur est vivant » (Actes 1/3 et 1 Timothée 3/15). Or la vie est en constant mouvement et en perpétuelle évolution, c’est ce qui la caractérise principalement, tout comme le royaume de Dieu (Esaïe 9/7). C’est cette dynamique que le Seigneur veut placer en nous, si nous acceptons son gouvernement et sa seigneurie, afin qu’on ne finisse pas un jour dans un « château », assis dans « un fauteuil doré ».

JeromePrekel©www.leSarment.com

—————————————

Leave a reply:

Your email address will not be published.

Site Footer