Le caractère indécis du combat de la foi appliquée au présent se voit particulièrement bien dans le cas de Pierre marchant sur les eaux. Pierre, parmi les disciples, était un pionnier de la foi, et il est intéressant d’observer son évolution. C’est Christ qui a d’abord soulevé le voile, lui montrant les possibilités inimaginables de la foi, lorsqu’il l’a incité à faire un essai en lui disant d’aller à pleine eau et jeter ses filets, une fois de plus, après qu’il eût passé une nuit sans rien prendre. Nous assistons alors à un moment de lutte de la foi : Pierre allait-il croire davantage à son opinion de pécheur expérimenté et à celle de ses compagnons de pêche sur la berge, ou à la parole de ce « Faiseur de miracles » ?
Il hésita, puis se lança : « Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre » – c’était la foi aux apparences – « mais sur ta parole, je jetterai le filet » – et voilà la foi en l’invisible, en la puissance de Sa Parole et dans les ressources dont Jésus disposait.
C’était, même alors, une foi parcimonieuse, car il ne jeta qu’un seul filet alors que Jésus avait dit « les filets », et il a payé sa mesquinerie de la rupture de ce filet ! Pas étonnant qu’il tombât à Ses pieds, touché au vif par son manque de foi.
Mais il avait appris une importante leçon. Il y a en Dieu des ressources dont l’action s’oppose au cours ordinaire des choses et l’homme peut s’en servir [« y avoir accès », serait probablement moins équivoque, « sur la Parole de Dieu »ndlr]. Plus tard, Pierre n’eut pas besoin d’invitation, en voyant cette silhouette qui marche sur les eaux, il crie : « Seigneur … ordonne que j’aille vers toi, sur les eaux » (Mat. 14/28). Il n’y avait là aucun but altruiste, [désintéressé] aucun service à rendre à l’humanité, simplement un « tour de force » pourrions-nous dire ; mais ici Christ avait découvert un pionnier pour les choses de l’Esprit et Il accueillit favorablement cet indice. « Viens », dit-Il. Pierre sortit et marcha.
Pour la seule et unique fois de l’Histoire, les lois de la pesanteur furent, pour un simple homme, vaincues par un pouvoir supérieur. Comment ? Par la foi de Pierre, maintenant transposée. De par sa nature, il avait cru toute sa vie et conformé ses actes, au fait avéré « qu’un homme s’enfonce dans l’eau ». En Christ, il voyait à l’oeuvre une puissance plus grande qui le rendait capable, transcendant les lois de la nature, de marcher sur l’eau. Il savait, par l’expérience précédente, que le pouvoir de Jésus était à la disposition des disciples [triomphait des impossibles]. Alors, délibérément, cette foi, ancrée sa vie durant sur les lois naturelles, il la transpose jusqu’à ce qui ne peut se voir ni se toucher, jusqu’à ce pouvoir qui soutient son Maître et qui peut aussi le soutenir lui-même. Mais il n’était qu’un débutant faisant un essai : une grosse vague arrive, elle va l’engloutir ! Et presqu’automatiquement, sa foi quitta son nouveau point d’ancrage pour revenir à l’ancien, au fait familier que nous enfonçons dans l’eau. Et il enfonça. Il en advint selon sa foi ; mais non, pas tout à fait, la main du Sauveur le retint. Il avait payé son audace d’un plongeon, mais il avait acquis une chose sans prix que n’avait aucun de ses frères restés prudemment à bord : la connaissance vécue du fait qu’un homme peut, presque à son gré, tendre la main de sa foi et saisir le pouvoir caché qui est en Dieu.
Norman Grubb, extrait du livre « la loi de la foi », éditions Missions Prière et Réveil, première édition anglaise 1947