Vœux : origine d’une pratique

La coutume de l’expression de vœux à l’occasion du changement d’année n’a que peu de choses à voir avec les exemples bibliques que nous connaissons, et qui émaillent les épîtres du Nouveau Testament[1].

Cette coutume est en fait d’origine païenne (une de plus !). Ce sont probablement les romains qui sont les inventeurs de cet usage, mais on dit que déjà, les égyptiens et les babyloniens pouvaient s’y livrer. La première allusion historique est rapportée par Symmachus, qui raconte qu’elle fut introduite sous l’autorité du roi Tatius Sabinus. On se faisait des présents de figues, de dattes et de miel, pour ne se souhaiter que de l’agréable du doux et du sucré pendant le reste de l’année. Avec les présents, ils se souhaitaient mutuellement toute sorte de bonheur et de prospérité pour le reste de l’année, et se donnaient des témoignages réciproques d’amitié : ils établirent des lois, et firent de ce jour-là un jour de fête, qu’ils dédièrent et consacrèrent particulièrement au dieu Janus, qu’on représentait à deux visages, l’un devant et l’autre derrière, comme regardant l’année passée et la prochaine[2]. Le mois de janvier (januarius), auquel le roi Numa donna son nom, lui était consacré.

VISION CHRÉTIENNE

Certains jetteront sans doute l’anathème sur cette pratique[3], mais après tout, si nous voulons profiter de cette coutume païenne pour prier ouvertement en faveur de nos connaissances, pourquoi pas ? Ce serait une manière de détourner une coutume vide de sens véritable pour en faire un moyen de vraie bénédiction. Il faudra juste prendre garde à éviter l’écueil de l’hypocrisie (qui évoque encore une fois ce dieu à deux visages) afin de ne pas dire ou écrire des choses qu’on ne pense pas vraiment. David disait : “Si tu sondes mon coeur … Si tu m’éprouves, tu ne trouveras rien: Ma pensée n’est pas autre que ce qui sort de ma bouche” (Psaume 17/3).

Pour un chrétien qui appartient à la vérité, qui lutte contre toutes les formes de mensonge[4], il est important que notre parole reflète véritablement notre pensée.

Les outils de communication modernes nous permettent de nous adresser à toute une liste de correspondants de manière simultanée. C’est prodigieux, mais en même temps terrible : la relation véritable s’appauvrit. C’est un peu le même principe que la notion “d’amis” sur Facebook : les mots sont là, mais le sens a été modifié, la réalité édulcorée.

Pour que l’intégrité de notre démarche soit irréprochable, il faut que soit respectée l’adéquation entre les mots que nous employons et le sens dont ils sont porteurs. Je ne peux pas te souhaiter le meilleur si je n’ai avec toi aucun contact le reste de l’année et si je ne travaille pas un tant soit peu à ce que mon souhait devienne réalité pour toi.

Il paraît important de veiller à ces choses, qui ne sont pas simplement anecdotiques : nous sommes entrés dans une phase d’expression de plus en plus forte de sentimentalisme religieux, qui est la suite logique de l’abaissement de la lumière du réveil de Pentecôte. L’onde de choc spirituelle est passée et les répliques s’estompent. C’est alors le temps du substitut, où on remplace les boucliers d’or par des boucliers d’airain[5], et où le christianisme dérive vers ce qu’on appelle l’apostasie, une altération du modèle original, qui pallie comme elle peut à son appauvrissement de la Chose Réelle[6]

Il n’y a rien de mal à se souhaiter le meilleur, bien au contraire. Lorsque “l’amour nous presse[7]”, nous sommes débordants du désir du salut et de la bénédiction pour tous les hommes. Nous portons nos bien-aimés et nos frères sur nos cœurs, comme le sacrificateur de l’ancienne alliance  portait sur sa poitrine, devant l’Eternel, le pectoral et les douze pierres marquées aux noms des douze tribus. Notre prière est vivante, et les vœux qui sont sur nos lèvres, à n’importe quelle occasion, sont vivants et vrais.

Rien à voir avec l’explosion des bons sentiments qui jaillissent le 31 décembre à minuit, comme un feu d’artifice d’amour éphémère, comme une nuée sans eau[8].


[1] Exemples : 3 Jean 1/2 : «Bien-aimé, je souhaite que tu prospères à tous égards et sois en bonne santé, comme prospère l’état de ton âme», Eph. 6/24 : “Que la grâce soit avec tous ceux qui aiment le Seigneur d’un amour inaltérable”, 2 Pierre 1/2 : “Que la grâce et la paix vous soient multipliées par la connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur!” … ne sont pas des vœux pieux, mais le couronnement d’une relation personnelle ou véritable, et donc une prière qui n’a rien de ponctuel.

[2] « Fêtes et coutumes populaires », paru en 1911, et « De l’origine des étrennes » Jacob Spon.

[3] Au Moyen Age, les catholiques qualifièrent ces présents d’étrennes diaboliques.Des fêtes chrétiennes remplacèrent les joyeusetés idolâtres, mais la « distribution » obligatoire se maintint sous tous les régimes. Imitant les derniers Césars, les rois modernes tenaient des cours où les vassaux venaient déposer à leurs pieds une moisson de cadeaux divers.

[4] Apocalypse 21/8 : “Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l’étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort”.

Apocalypse 22/15 : Dehors les chiens, les enchanteurs, les impudiques, les meurtriers, les idolâtres, et quiconque aime et pratique le mensonge! »

[5] 1 Rois 10/16, 1 Rois 14/25-28, et 2 Chroniques 12/9 et 10

[6] La Davhar (heb.), la Parole Vivante (Jean 1)

[7] 2 Corinthiens 5/14

[8] Jude 1/12, 2 Pierre 2/17

Leave a reply:

Your email address will not be published.

Site Footer